Fin 2015, la société américaine 23andMe (1) a lancé la commercialisation de ses kits d’analyse ADN.
En glissant un échantillon de sa salive dans une enveloppe, tout individu peut obtenir son analyse génétique à large spectre pour une centaine d’euros. Cette facilité séduit les internautes du monde entier, dans un contexte où rare sont ceux qui plaident pour la liberté individuelle de connaître ses données génétiques, en particulier au sein de l’hexagone.
Si cette pratique attire, c’est qu’elle donne accès à un nouveau genre d’informations personnelles. Chacun peut obtenir l’analyse des facteurs de risque liés à son patrimoine génétique pour des centaines de pathologies, ses prédispositions génétiques, ses origines ethniques ou géographiques, et même découvrir de nouveaux membres de sa famille grâce au programme « DNA relatives ».
La connaissance de ses données génétiques poursuit également des objectifs thérapeutiques. Une prédisposition génétique identifiée permet la prise en charge de la personne concernée au plus tôt, ainsi que celle de ses descendants.
Aussi séduisante que soit cette nouvelle technique commercialisée aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, la vente libre de tests ADN est strictement interdite en France par les lois de la bioéthique. Selon l’article 16-10 du Code civil (2), outre les dispositions contenues dans le Code de la santé publique (3), seuls des praticiens agréés par l’Agence de biomédecine peuvent procéder à l’étude génétique des caractéristiques d’une personne, sous réserve de poursuivre des fins médicales ou de recherche scientifique. Le diagnostic génétique n’est donc pratiqué que lorsqu’une maladie déjà soupçonnée est ciblée par le séquençage. Tout séquençage du génome au sens large, ne correspondant pas à l’objectif thérapeutique recherché, est proscrit.
Nombreuses sont les dérives qui viennent justifier cette réticence française. Le directeur de la recherche au CNRS et membre du Comité consultatif national d’éthique Patrick Gaudray est lui-même inquiet de la généralisation du séquençage ADN (4). Cette pratique fait craindre l’apparition d’un business des données génétiques et leur exploitation par des entreprises. Plus dommageable encore, les experts redoutent l’appréhension de ces données par des compagnies d’assurances et financières.
Si ces risques sont réels, le désir d’avoir accès à ces données sensibles ce fait pourtant sentir. L’Agence américaine du médicament, la Food and Drug Administration (FDA) (5) qui avait suspendu la commercialisation des tests 23andMe en 2012, a d’ailleurs autorisé en 2015 la commercialisation d’un home-test génétique (6) permettant de déceler le syndrome de Bloom.
Dans un environnement où les frontières terrestres cèdent devant le rayonnement des plateformes e-commerce, la généralisation de cette pratique doit être anticipée.
C’est d’ailleurs la position retenue par le Comité consultatif national d’éthique dans son avis du 21 janvier 2016 (7), dans lequel le CCNE propose une réflexion d’amont sur les conditions pour qu’un système de régulation soit efficace et respectueux des personnes.
Lexing Alain Bensoussan Avocats
Lexing Droit Informatique
(1) Site de la société américaine 23andMe.
(2) Code civil, art. 16-10.
(3) Code de la santé publique, art. L.1131-2-1.
(4) Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, 21-1-16, avis n° 124, « Réflexion éthique sur l’évolution des tests génétiques liée au séquençage de l’ADN humain à très haut débit ».
(5) Site de la Food and Drug Administration (FDA).
(6) FDA, Article du 19-2-2015.
(7) Comité consultatif national d’éthique, Avis n° 124 du 21-1-2016.