La fin d’une épée de Damoclès sur le brevet européen à effet unitaire. Alors que l’Europe connait un système de dépôt unitaire par le biais de l’Office européen des brevets (OEB) depuis quarante ans, il aura fallu autant d’années de négociations pour aboutir à un système unifié de protection au sein de l’Union.
L’opposition persistante de certains Etats, a conduit les Etats membres à recourir au système de la » coopération renforcée » pour permettre l’adoption du » paquet brevet unitaire » composé de trois textes distincts :
- le règlement UE n°1257/2012 du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet européen déposé auprès de l’OEB (1) ;
- le règlement UE n°1260/2012 du 17 décembre 2012 portant sur le régime linguistique applicable au brevet européen à caractère unitaire et prévoyant que les demandes de brevets européens à effet unitaire (2) devront être soumises dans l’une des langues trois officielles du système, à savoir l’anglais, le français ou l’allemand à l’exclusion de toute autre traduction ;
- un accord relatif à une juridiction unifiée du brevet du 19 février 2013 et ayant pour objet la création d’un système juridictionnel unifié spécifique ayant compétence exclusive pour connaitre des actions relatives à la contrefaçon ou la validité de brevets européens à effet unitaire.
S’opposant au système et, notamment au régime linguistique adopté, l’Espagne a formé, devant la Cour de justice de l’Union européenne, deux recours tendant à l’annulation des Règlements adoptés.
Le rejet des recours par la Cour de justice de l’Union européenne. Affaire C-146/13 : le premier recours vise le règlement instaurant la protection unitaire elle-même. L’Espagne fait valoir qu’il ne peut porter sur un brevet déposé et délivré par l’OEB, institution échappant au contrôle juridictionnel de l’Union.
La Cour rejette le recours rappelant la distinction entre les conditions de délivrance d’un brevet européen fixées par la Convention sur le brevet européen (CBE) et les modalités de sa protection ; le règlement européen n’a pas pour objet d’encadrer la délivrance du brevet, mais uniquement de fixer les conditions dans lesquelles, une fois délivré par l’OEB, il peut bénéficier d’un effet unitaire au sein des Etats participants à la coopération renforcée.
Affaire C-147/13 : le second recours porte sur la remise en cause du système linguistique, à savoir l’adoption de trois langues officielles pour réduire les coûts d’obtention et de délivrance d’un brevet en Europe. Aujourd’hui la protection d’un brevet dans les pays signataires de la CBE implique sa traduction dans les langues officielles de chaque pays désigné entraînant des frais souvent trop lourds à supporter et la renonciation à solliciter une protection pour l’ensemble des pays initialement désignés dans la demande de brevet.
L’Espagne invoque une rupture d’égalité pour les personnes dont la langue n’est pas l’une des langues officielles. La Cour rejette le recours, ce choix poursuivant un objectif légitime (faciliter l’accès des PME à cette protection) et le traitement différencié étant, en pratique, atténué par la mise en place de mécanismes permettant de préserver l’équilibre de traitement entre les opérateurs économique (période transitoire, système de remboursement des frais de traduction, etc.).
Virginie Brunot
Lexing Droit Propriété industrielle
(1) Règlement UE n°1257/2012 du 17 décembre 2012.
(2) Règlement UE n°1260/2012 du 17 décembre 2012.