Brevet de logiciel – Par arrêt du 19 juin 2014, la Cour Suprême des Etats-Unis a invalidé un brevet relatif à une méthode financière mise en œuvre par ordinateur, en l’espèce des systèmes, programmes et méthodes de dépôt fiduciaire.
Une société australienne dénommée Alice était titulaire de différents brevets américains sur un procédé automatisé de gestion des risques liés à des événements futurs encore inconnus sur les marchés financiers considérés.
La société CLS Bank International exploite, quant à elle, un réseau intégrant des procédés informatiques d’exécution d’opérations financières.
Bloquée par les brevets détenus par la société Alice, la société CLS Bank International a introduit une action aux fins d’obtenir l’invalidation des brevets.
La Cour Suprême a, à l’unanimité, annulé les brevets d’Alice considérant que le simple fait d’automatiser une idée abstraite ne suffisait pas à la rendre brevetable et que les caractéristiques revendiquées par le brevet devaient produire un effet technique supplémentaire allant au-delà du fonctionnement normal d’un ordinateur.
La décision constitue une tornade aux Etats-Unis même si, depuis 2010, il avait pu être constaté un durcissement de la position de la Cour Suprême concernant la brevetabilité des « logiciels ». Dans son arrêt « Bilski », celle-ci avait déjà eu l’occasion d’affirmer l’absence de brevetabilité des « idées abstraites », même si elle n’avait pour autant pas exclu de facto la brevetabilité des méthodes d’affaires et des programmes d’ordinateurs.
La récente décision de la Cour Suprême constitue un pas supplémentaire vers la rationalisation de la brevetabilité des « logiciels » aux Etats-Unis.
La solution rendue se rapproche de la position européenne qui exclut expressément, via l’article 52 de la Convention sur le Brevet Européen, les « programmes d’ordinateurs » du champ de la brevetabilité.
L’Office Européen des Brevets n’exclut néanmoins pas systématiquement la protection des méthodes et programmes d’ordinateurs, exigeant que le problème résolu par l’invention soit de nature technique et, lorsque celle-ci est mise en œuvre par un programme d’ordinateur, ce dernier doit produire « un effet technique supplémentaire allant au-delà des interactions physiques normales existant entre le programme d’ordinateur et l’ordinateur sur lequel il fonctionne ».
Dans le système américain, ce critère était jusqu’alors écarté au profit du critère « d’utilité », tout procédé, machine, article manufacturé ou composition de matières répondant aux critères de nouveauté et d’utilité pouvant prétendre à la protection par le brevet.
En introduisant la notion « européenne » d’ « effet technique supplémentaire », l’arrêt Alice pourrait, sous réserve de l’application qui en sera faite, constituer le tout premier pas vers l’harmonisation des systèmes et conduire les entreprises à repenser leur stratégie de protection en matière de brevets aux Etats-Unis.
Virginie Brunot
Eve Renaud
Lexing Droit des Brevets