L’article 101 de la loi pour une République numérique apporte un nouveau cadre légal aux compétitions e-sport.
Les tournois de jeux vidéo organisés en la présence physique des participants sont désormais exclus du champ d’interdiction des jeux de loterie.
Une assimilation antérieure à des jeux de loterie
En France, l’article L. 322-1 du Code de la sécurité intérieure dispose que « les loteries de toute espèce sont prohibées ». L’interdiction repose notamment sur des « opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l’opérateur de la part des participants » (1). Cette interdiction recouvre également « les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire du joueur » (2).
Entrent donc dans le champ d’interdiction des loteries, les jeux qui réunissent les conditions suivantes :
- la présence d’une offre au public ;
- l’espérance d’un gain pour le joueur ;
- un sacrifice financier de la part du joueur ;
- la présence même partielle du hasard.
Les compétitions e-sport réunissent ces quatre conditions. Par une stricte application des dispositions relatives aux jeux de loterie, elles tombaient sous le coup de l’interdiction, bien que leur régime juridique fasse toujours l’objet d’incertitudes.
Le principe d’interdiction générale des jeux de loterie se justifie par la protection des mineurs, la transparence et l’intégrité des jeux ou bien encore la prévention des activités frauduleuses pour lutter par exemple contre le blanchiment d’argent.
La reconnaissance de la licéité des compétitions e-sport
Le rapport intermédiaire sur les compétitions e-sport exprimait la volonté d’exempter ces compétitions du champ légal de prohibition des loteries (3). La loi pour une République numérique a répondu à cette attente (4). Elle crée ainsi un nouvel article L. 321-9 dans le Code de la sécurité intérieure :
« N’entrent pas dans le champ d’application des articles L. 322-1, L. 322-2 et L. 322-2-1 les compétitions de jeux vidéo organisées en la présence physique des participants (…) ».
Les compétitions e-sport organisées en la présence physique des joueurs échappent ainsi à la qualification de jeux de loterie et sont désormais expressément autorisées.
Néanmoins, elles devront respecter les conditions fixées par la loi.
Des conditions fixées pour l’organisation des compétitions
L’article 101 de la loi ajoute que les droits d’inscription et les autres sacrifices financiers des participants ne doivent pas dépasser un certain pourcentage du coût total de l’organisation de la compétition. Ce coût comprend le montant des gains.
Un décret en Conseil d’Etat est attendu pour fixer ce taux de pourcentage. Dans des jeux tels que le poker, le sacrifice financier des joueurs augmente au fur et à mesure des manches quand ils misent à chaque fois un montant. Le législateur souhaite donc écarter les jeux d’argent dans l’e-sport.
Les organisateurs des compétitions doivent également prévoir « un instrument ou mécanisme (…) garantissant le reversement de la totalité des gains ou lots mis en jeu » lorsque les gains dépassent un certain montant total. Ces mécanismes et le montant seront ultérieurement détaillés dans un décret. On peut déjà penser à un mécanisme où le vainqueur gagnerait un certain pourcentage sur les gains, puis le second un montant plus réduit, et ainsi de suite.
Le législateur précise au sein de l’article L. 321-11 que, pour les phases qualificatives et compétitions e-sport en ligne, le coût d’acquisition du jeu et des frais d’accès à internet ne constitue pas un sacrifice financier. Ces dernières sont donc autorisées si aucun frais de participation n’est demandé car il n’existerait pas de sacrifice financier interdit dans le cas des loteries (5).
Enfin, il est imposé une déclaration à l’autorité administrative de telles compétitions par les organisateurs, ce contrôle permettant d’apprécier le respect des conditions susvisées. L’autorité administrative compétente n’a pas encore été désignée, mais par ses attributions originelles, l’Arjel pourrait devenir compétente.
En définitive, les compétitions e-sport sont exclues du champ prohibitif des jeux de loterie. Le législateur fixe toutefois des limites pour écarter les jeux d’argent présentant des risques pour les joueurs. Les organisateurs sont dans l’attente de la publication des décrets pour percevoir de manière plus précise l’encadrement financier des compétitions e-sport.
Marie Soulez
Rothmony Var
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
(1) CSI, art. L. 322-2
(2) CSI, art. L. 322-2-1
(3) Pour la reconnaissance en tant que jeu de hasard : Cass. crim., 30-10-2013, n°12-84.784 ; contre : CA Toulouse, 3e ch. correc., 17-1-2013
(4) R. SALLES et J. DURAIN, Rapport d’étape intermédiaire, « E-sport, la pratique compétitive du jeu vidéo », 3-2016
(5) Loi 2016-1321 du 7-10-2016, dite Loi pour une République numérique, art. 101. Pour rappel, seules les compétitions de jeux vidéo organisées en la présence physique des participants ont été exclues du cadre légal d’interdiction des jeux de loteries. Cela n’est pas le cas des compétitions se déroulant en ligne pour lesquelles un sacrifice financier serait demandé aux joueurs.