Pour prévenir et évaluer le risque de contagion au COVID-19, des dispositifs de caméras intelligentes et caméras thermiques sont déployés sur la voie publique, dans et aux abords des commerces, dans les transports en commun et sur les lieux de travail.
Caméras intelligentes et caméras thermiques : les garanties à respecter
La Cnil indique qu’il s’agit en pratique « soit de l’ajout d’une couche logicielle à des systèmes de vidéoprotection préexistants, soit du déploiement de nouveaux systèmes vidéo dédiés : dispositifs de prise de température automatique ‘caméras thermiques), de détection du port de masque, de respect des mesures de distanciation sociale, etc. » (1).
La pandémie actuelle ne suspend pas les droits des personnes concernées par l’usage de caméras intelligentes et caméras thermiques.
À ce jour, aucun texte spécifique n’encadre le recours à des caméras « intelligentes » et des caméras thermiques.
Cependant, lorsque ces dispositifs collectent des données personnelles, une réglementation (RGPD et Loi du 6 janvier 1978) spécifique s’applique. Par exemple, lorsqu’une image permet d’identifier la personne concernée, le dispositif relève de cette réglementation.
Par conséquent, des garanties doivent assortir la mise en place de tels dispositifs pour respecter cette réglementation :
- la démonstration du caractère nécessaire et proportionné ;
- la limitation de la durée de conservation des données ;
- l’instauration de mesures de pseudonymisation ou d’anonymisation ;
- l’absence de suivi individuel.
La Cnil indique que « si des données sensibles sont traitées, telle que la captation d’informations personnelles de santé ou d’informations biométriques, ou si le droit d’opposition n’est pas possible (du fait, par exemple, du « balayage vidéo » de la caméra dans une rue), il est nécessaire de mettre en place un cadre légal adapté qui respecte l’article 9 et/ou l’article 23 du RGPD ».
Par ailleurs, la mise en place d’un dispositif de vidéoprotection doit respecter les dispositions du Code de la sécurité intérieure (articles L.251-1 et suivants).
Intelligents ou thermiques : ces dispositifs nécessitent une vigilance accrue
Eviter toutes dérives : sentiment de surveillance, accoutumance, banalisation de technologies intrusives.
Il est donc primordial de concilier la salubrité publique :
- au droit à la vie privée et à la protection des données personnelles,
- à la liberté d’aller et venir,
- à la liberté d’expression et de réunion,
- au droit de manifester et
- à la liberté de conscience et d’exercice du culte.
La Cnil a déjà eu l’occasion d’appeler à la tenue d’un débat démocratique sur les nouveaux usages vidéo en septembre 2018 et plus spécifiquement concernant la reconnaissance faciale en novembre 2019.
Elle émet des réserves sur le recours aux caméras thermiques puisqu’il ne permet pas de détecter les personnes asymptomatiques. Par ailleurs, il peut être contourné par la prise de médicaments réduisant la température corporelle.
La Cnil met en garde contre les déviances du déploiement de caméras intelligentes et caméras thermiques.
Elle indique que « lorsqu’ils constituent des traitements automatisés de données personnes et relèvent à ce titre du RGPD, de tels dispositifs conduisent le plus souvent soit à traiter des données sensibles sans le consentement des intéressés (notamment la température), soit à écarter le droit d’opposition ».
En l’absence de texte juridique spécifique à l’usage de caméras intelligentes, la Cnil appelle donc les acteurs à la plus grande vigilance afin d’éviter de multiplier et de pérenniser les dispositifs de surveillance par caméras.
Emmanuel Walle
Oriane Maurice
Lexing Droit social numérique
(1) Cnil, « Caméras dites « intelligentes » et caméras thermiques : les points de vigilance de la Cnil et les règles à respecter », 17 juin 2020.