La Cour d’appel de Rouen a précisé l’appréciation du caractère public de propos tenus sur Facebook par des salariés. Dans une affaire Alten, le Conseil de Prud’hommes de Boulogne Billancourt, par deux décisions du 19 novembre 2010, avait déjà retenu le caractère déterminant du paramétrage de la page dans le cadre de cette qualification. Si la Cour d’appel de Versailles avait ensuite, par arrêt du 22 février 2012, déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais uniquement car les deux salariées avaient déjà été sanctionnées pour les faits reprochés au moyen d’une mise à pied disciplinaire.
Dans cet arrêt du 15 novembre 2011, la Cour d’appel de Rouen rappelle que la charge de la preuve de la faute grave qui aurait été commise par la salariée pèse sur l’employeur. En conséquence, pour que soient qualifiés de publics les propos de la salariée, l’employeur aurait dû apporter la preuve que le paramétrage du compte Facebook de la salariée ne limitait pas la diffusion des messages à ses seuls amis.
En effet, la salariée, dont le licenciement pour faute grave avait été considéré comme justifié par le Conseil de Prud’hommes du Havre, soutenant notamment que les propos avaient été tenus en dehors des heures de travail, alors qu’elle se trouvait à son domicile personnel, que l’employeur ne peut fonder un licenciement sur le contenu d’une correspondance privée, que les écrits diffusés sur un réseau communautaire virtuel doivent relever de la même protection et « que si Facebook est un espace mi-public, mi-privé, comme l’a relevé le Conseil de Prud’hommes, le caractère privé doit l’emporter ». L’employeur, quant à lui, contestait le caractère privé des propos figurant sur le « mur » Facebook de la salariée, soutenant qu’il avait été paramétré pour en permettre le partage avec ses amis et les amis de ceux-ci. Selon lui, par conséquent, les propos injurieux et calomnieux échangés sur Facebook doivent être considérés comme des propos publics qui peuvent être invoqués à l’appui d’une sanction disciplinaire.
La cour a cependant jugé qu’ « il ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’espace privé, alors que ce réseau peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur ». Or, selon la cour, l’employeur n’apporte aucun élément de nature à prouver que le compte Facebook, tel que paramétré par la salariée ou par les autres personnes ayant participé aux échanges, autorisait le partage avec « les “amis” de ses “amis” ou tout autre forme de partage à des personnes indéterminées, de nature à faire perdre aux échanges litigieux leur caractère de correspondance privée ». Enfin, si la cour ne précise pas la forme que doit revêtir cette preuve, elle précise néanmoins que le paramétrage n’apparaissait pas dans les copies des pages litigieuses produites et ne peut être déduit de la manière dont l’employeur a pris connaissance des propos. En conséquence, le licenciement de la salariée doit être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse. Or, cette preuve apparaît très difficile à apporter, en raison d’une part de la complexité des paramétrages possibles, qui peuvent varier selon les parties du profil et d’un message à l’autre, et d’autre part, ne sont pas apparents à d’autres personnes que le titulaire du compte. On pourrait, en revanche, envisager de demander sur requête ces informations à Facebook.