Economie juridique Extraction illicite du contenu d’une base de données de sites internet L’exploitation frauduleuse d’une liste blanche issue d’un logiciel de contrôle parental Au début des années 2000, une petite entreprise française a créé puis enrichi une « liste blanche » de sites internet pouvant être consultés par les enfants, destinée à être interfacée avec les logiciels de contrôle parental, qui reposaient alors sur des « listes noires ». Ayant conclu un contrat avec la filiale d’un fournisseur d’accès à internet, sa base de données de sites a été associée au logiciel d’un éditeur. Peu après le terme de ses relations avec le fournisseur d’accès, le créateur de la base a constaté que l’éditeur proposait une solution intégrant une « liste blanche » à un prix très inférieur au sien. Considérant que l’éditeur du logiciel de contrôle parental avait procédé à des extractions non autorisées de sa base de données cryptée (à laquelle il ne devait pas avoir accès), le producteur de la base a assigné ses anciens partenaires. L’Agence pour la Protection des Programmes a relevé la présence, dans la base de l’éditeur, de plusieurs adresses « piège » de la base du demandeur. Considérant que le fournisseur d’accès a permis à l’éditeur d’accéder au contenu de la base alors qu’il n’y était pas autorisé et que l’éditeur ne pouvait avoir développé un produit concurrent en trois mois, le jugement retient leur responsabilité pour l’extraction et la réutilisation frauduleuse du contenu de la base et celle de l’éditeur pour parasitisme, pour avoir commercialisé sa solution à un prix très inférieur à celui du créateur. Le producteur de la base évalue ses préjudices à la somme de 14.145.000 €, à partir des résultats d’exploitation après impôts que la base de données lui aurait procuré pendant 6 années supplémentaires et il demande la publication de la décision. L’enjeu Le contenu d’une base de données est protégé contre les extractions et réutilisations non autorisées par son producteur, qui justifie avoir réalisé des investissements substantiels pour sa constitution, sa vérification ou sa présentation (Art. L341-1 du code la Propriété intellectuelle). Cause un préjudice de près de 4 millions d’euros au producteur de la base L’expert privé, mandaté par le producteur de la base, a chiffré à 1.861.604 € le montant des dépenses engagées par celui-ci pour la création et la gestion de la base avant son exploitation frauduleuse. Le jugement n’indique pas que cette demande de réparation était formulée par le créateur de la base, mais il considère que cette somme correspond à l’économie réalisée par l’éditeur de logiciel pour constituer une base concurrente en quelques mois, alors que le producteur n’avait pas encore rentabilisé ses investissements et la retient à titre de préjudice. Constatant qu’avant les faits il n’existait pas de base concurrente sur le marché français et que son titulaire n’a pas pu conclure plusieurs contrats suite à la mise sur le marché du produit concurrent, la décision indique que le producteur de la base a été privé d’une espérance de gain. Mais soulignant que la victime n’aurait pas pu profiter seule, pendant très longtemps, de son avantage concurrentiel, le jugement retient un manque à gagner de deux millions d’euros, correspondant à deux années de résultats non réalisés, chiffrés par l’expert privé. Le producteur de la base obtient donc une somme totale de 3.861.604 € de dommages et intérêts, son préjudice d’image est réparé par la publication de la décision, à concurrence de 18.000 € pour trois insertions, et ses frais irrépétibles sont retenus pour le montant demandé, soit 55.000 €. Les conseils Dans cette affaire, les préjudices causés par l’exploitation illicite du contenu de la base couvrent à la fois les investissements engagés pour la développer et les gains non retirés de son exploitation. Cette solution avantageuse pour le producteur a sans doute été favorisée par l’intervention d’un expert privé pour le chiffrage des préjudices. T. com. Paris 19e ch. 17-12-2009 Paru dans la JTIT n°97/2010 p.12 (Mise en ligne Février 2010)