Cinéma 4D et enjeux juridiques, voici la question que pose le film de S. Spielberg « Ready Player one » diffusé en 4D.
Le cinéma 4D est une technologie visant à associer la sensation à l’image lors du visionnage d’un film. Ainsi, dans le dernier film de Steven Spielberg, « Ready Player one », sorti en mars dernier et diffusé dans certaines salles équipées en technologie 4D, lorsque le héros court, les sièges sont en mouvement et des gouttes d’eaux sont projetées sur les téléspectateurs.
Mais cette nouvelle forme de cinéma fait émerger des questions relatives à sa qualification juridique et des conséquences qui en découlent.
La qualification juridique de l’œuvre issue du cinéma 4D
Tout d’abord, est-il possible d’imaginer que chaque élément (l’eau, les odeurs, le mouvement des sièges) puisse être protégé individuellement ? Cette hypothèse est difficilement envisageable.
En effet, les juridictions françaises se refusent à protéger les odeurs. La cour de cassation a notamment pu juger que la fragrance d’un parfum procède de la seule mise en œuvre d’un savoir- faire et ne constitue pas une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection du droit d’auteur.
De même, le mouvement d’un siège n’apparaît pas en lui-même protégeable, faute d’originalité.
Ensuite, l’ensemble des éléments composant la 4D pourrait être protégé collectivement.
Un parallèle peut être fait entre le cinéma 4D et le théâtre. La jurisprudence a pu protéger une mise en scène théâtrale dès lors qu’elle était originale.
Ainsi, il serait possible de considérer que la réunion des éléments constituant la 4D s’analyse comme un scénario original qui serait apposé sur le film initial. Il s’agirait d’une adaptation de l’œuvre première.
Enfin, l’œuvre pourrait être protégée dans son ensemble c’est-à-dire que l’image et la technologie 4D constitueraient une seule œuvre audiovisuelle. Pour mémoire, l’article L. 122-2, 6e du Code de la propriété intellectuelle définit les œuvres audiovisuelles comme des “œuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non”. Il serait donc possible d’imaginer que le cinéma 4D s’inscrit dans cette définition.
Dans cette hypothèse, le film «Ready Player One» constituerait alors une seule œuvre bénéficiant de la même protection.
Les conséquences de la qualification de l’œuvre issue du cinéma 4D
La qualification retenue aura des conséquences sur la titularité des droits.
Dans l’hypothèse où les éléments seraient protégeables individuellement, alors chaque concepteur d’un élément sera titulaire des droits sur sa création. A titre d’exemple, celui qui a créé les odeurs en détiendra les droits.
Au contraire, si les éléments sont protégés dans leur ensemble, alors il pourrait s’agir d’une œuvre de collaboration ou d’une œuvre collective.
Si la première qualification est retenue, chaque auteur est titulaire des droits à hauteur de son contribution. Pour mémoire, l’article L.113-2, alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle définit l’œuvre de collaboration comme l’œuvre «à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques».
Ainsi, dans l’hypothèse où la réunion des éléments constituant l’œuvre 4D est assimilée à un scénario, il s’agit d’une œuvre de collaboration dont chaque personne ayant contribué à la création est titulaire des droits.
Au contraire, si la qualification d’œuvre collective est retenue, la personne qui a commandé l’œuvre et donné les directives en sera titulaire. Un parallèle peut être fait avec les œuvres multimédias, domaine dans lequel la jurisprudence a, à plusieurs reprises, qualifié de collectives les créations .
Enfin si l’œuvre issue du cinéma 4D doit être considérée comme une seule et unique œuvre, alors le réalisateur, à qui sont généralement cédés les droits, en sera titulaire. Ainsi, le titulaire des droits sur le film « Ready Player one » sera probablement Steven Spielberg.
L’émergence du cinéma 4D amène de nombreuses questions juridiques sur l’appréhension de cet ensemble complexe Les premiers contentieux sur le sujet permettront certainement d’apporter quelques réponses.
Marie Soulez
Caroline Franck
Lexing contentieux propriété intellectuelle
Sur la protection des fragrances de parfum :
Cass. 1e civ. 1, 13-6-2006, n°02-44718.
Sur la protection de la mise en scène théâtrale :
CA Paris, pôle 5, 2e ch, 9-9-2011, n°10/04678 ;
CA Paris, pôle 5, 1er ch., 16-10-2013, n°12/08871.
Sur la qualification d’œuvres collectives des œuvres multimédias :
CA Paris, pôle 5, 2e ch., 23-11-2012, n° 11/18021 ;
CA Versailles, 13e ch., 18-11-1999, n° 193698.