Par un arrêt du 17 octobre 2013, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) vient d’apporter des précisions sur la notion d’activité dirigée, qui permet à un consommateur d’attraire son cocontractant professionnel en justice devant ses propres tribunaux, conformément à l’article 15 paragraphe 1, c) du règlement européen n°44/2001 dit « Bruxelles 1 » sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
En l’espèce, un consommateur allemand avait acheté une voiture d’occasion auprès d’une entreprise commercialisant des véhicules d’occasion située en France. Afin de justifier de la compétence d’un tribunal allemand pour formuler des demandes en matière de garantie, il a invoqué la disposition précitée du règlement, arguant du fait qu’ « il résult[ait] de la conception du site internet [du commerçant français] que l’activité commerciale de ce dernier [était] également dirigée vers l’Allemagne », et ce, alors même qu’il n’avait pas eu connaissance de cette entreprise grâce à son site internet et que le contrat de vente n’avait pas été conclu en ligne.
Se sont alors posées les questions suivantes à la juridiction allemande, et, par la suite, à la CJUE :
- en supposant que le site internet du professionnel soit dirigé vers l’Etat membre du consommateur, est-il également nécessaire qu’il existe un lien causal entre ce moyen et la conclusion du contrat pour pouvoir faire application de l’article 15, paragraphe 1, c) ?
- le cas échéant, faut-il, en outre, pour que la règle de compétence puisse s’appliquer, que le contrat ait été conclu à distance ?
A titre liminaire, la Cour rappelle qu’une réponse a déjà été apportée à la seconde question dans un arrêt du 6 septembre 2012 (C-190/11). Il avait alors été dit pour droit que l’article 15, paragraphe 1, c) « doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance ».
En ce qui concerne la première question, la Cour observe que l’adjonction d’une telle condition « irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par cette disposition, à savoir celui de la protection des consommateurs, qui sont les parties faibles aux contrats conclus par ces derniers avec un professionnel ». En effet, cette exigence d’une consultation préalable du site internet du professionnel poserait des problèmes de preuve, notamment lorsque le contrat n’a pas été conclu à distance par l’intermédiaire du site, dissuadant ainsi les consommateurs de saisir leurs juridictions nationales.
Néanmoins, la Cour ne disqualifie pas tout à fait cette condition puisqu’elle indique que « le lien de causalité faisant l’objet de la première question préjudicielle doit être considéré comme étant un indice d’une « activité dirigée », au même titre que « la prise de contact à distance conduisant à ce que le consommateur se trouve contractuellement engagé à distance ».
A ce titre, elle remarque que peut également constituer l’indice d’une « activité dirigée » le fait que, comme en l’espèce, un commerçant « soit établi dans un Etat membre à proximité de la frontière avec un autre Etat membre, dans une conurbation s’étendant des deux côtés de celle-ci, et qu’il utilise un numéro de téléphone attribué par l’autre Etat membre en le mettant à disposition de ses clients potentiels domiciliés dans ce dernier Etat de manière à leur éviter le coût d’un appel international ».
La Cour vient, par cet arrêt, compléter la liste non exhaustive d’indices déjà identifiés dans ses arrêts du 7 décembre 2010 (C-585/08 et C-144/09) et du 6 septembre 2012 (C-190/11) (par exemple, « l’engagement de dépenses dans un service de référencement sur Internet afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans d’autres États membres l’accès au site du commerçant […], ou encore « l’utilisation d’un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l’État membre où le commerçant est établi »), qui permettront aux juridictions nationales d’établir si le professionnel dirige effectivement son activité vers le pays du consommateur.
Céline Avignon
Mathilde Alzamora
Lexing Droit Marketing électronique