Un participant mécontent des résultats d’une ICO a intenté une class action contre les fondateurs de la blockchain Tezos.
Contexte de l’affaire Tezos
Pour mémoire, cette ICO (initial Coin Offering) avait permis de lever plus de 232 millions d’euros en 2017 (plus grosse levée de fonds recensée dans ce domaine).
L’affaire (1), portée devant la Cour supérieur de Californie (comté de San Francisco) fait suite aux rumeurs de luttes intestines entre les deux fondateurs de Tezos lesquelles seraient susceptibles d’affecter la bonne gestion des fonds récoltés à travers cette ICO.
Pour ces raisons, le développement de la blockchain Tezos aurait été en deçà des objectifs fixés et le prix des contrats à terme avait considérablement baissé sur les plateformes d’échanges de cryptomonnaie : ce point est aujourd’hui à nuancer car, suivant le formidable élan du Bitcoin depuis la rentrée 2017 (et plus généralement de l’année 2017), le cours de la cryptomonnaie Tezos a doublé depuis le 25 octobre 2017 (nuançons à nouveau : il s’agit du cours IOU – «I owe you » – dans la mesure où les jetons n’ont pas encore été émis), date de la plainte.
Les fondements invoqués
Considérant que les virements en cryptomonnaie effectués par les participants à l’Initial Coin Offering sont des investissements et non des dons, le demandeur accuse les organisateurs de l’ICO d’avoir contrevenu :
- aux dispositions des articles 5(a) et 5(c) du « Securities Act » de 1933 (2) qui interdit de proposer ou de faire une promotion interétatique ou par le biais d’outils de communication digitales de titres sans avoir procédé à un enregistrement préalable de ces titres ;
- aux dispositions de l’article 17(a)(1), (2) et (3) du même texte, qui interdit :
- d’user de manœuvres et d’artifices pour faire la promotion d’un titre ;
- de faire des déclarations mensongères sur la valeur réelle d’un titre en vue d’obtenir la remise de fonds ;
- de manière plus générale, de s’engager dans tout type de pratique susceptible de s’analyser comme une fraude ou une tromperie à l’égard de l’acheteur.
De manière plus générale, elle considère que certaines manœuvres des organisateurs de l’ICO ont organisé une publicité trompeuse et déloyale autour de cette levée de fonds en faisant de fausses déclarations et en procédant à d’importantes omissions dans les informations fournies aux investisseurs.
Les faits reprochés
Le demandeur prétend en effet que les organisateurs de l’ICO auraient :
- fait des déclarations trompeuses sur le statut du développement Tezos menant à l’Initial Coin Offering en affirmant notamment que des sociétés comme Ernst & Young, Deloitte et LexiFi avaient adopté Tezos dans leurs laboratoires de développement : les entreprises ont cependant affirmé que même si elles considèrent la technologie du projet comme une solution Blockchain viable et prometteuse, elles ne l’avaient pas mise en œuvre ;
- trompé les acheteurs potentiels de « tokens » sur le temps qu’il faudrait pour achever le développement et lancer la Blockchain.
Les implications potentielles de cette affaire
Les suites de ce procès pourraient avoir de sérieuses implications, à la fois pour Tezos et pour les Initial Coin Offering en général.
L’avocat de l’un des défendeurs au procès, a déclaré que ces accusations étaient parfaitement infondées et que leur démarche de défense serait offensive.
En effet, les dispositions du « Securities Act », et plus généralement le cadre légal américain, sont susceptibles d’être écartées dans la mesure où la participation à cette levée de fond numérique était en principe interdite aux résidents américains, justement pour ne pas que ce texte de loi trouve à s’appliquer : un certain nombre d’ICOs prévoient des dispositions similaires dans leur « White Paper » -lesquelles peuvent s’assimiler aux conditions générales de l’ICO-, justement pour éviter de rentrer en contradiction avec le droit américain.
Reste à voir si cet argument emportera la conviction des juges dans la mesure où l’exclusion des participants américains était simplement mise en œuvre par une case à cocher par laquelle les participants certifiaient qu’ils n’étaient pas américains (mais aucun procédé technique, tel qu’un localisateur d’adresses IP, n’avait été mis en place sur la plateforme).
L’issue du procès dépendra également des résultats de l’ICO, une fois que la Blockchain sera lancée et que les jetons seront échangeables sur les plateformes d’échange de cryptomonnaie : en effet, il est probable que malgré la mauvaise publicité engendrée par ce procès, le projet Tezos étant, selon la grande majorité des spécialistes du secteur de la blockchain, une des blockchains les plus prometteuses des années à venir.
Un enrichissement soudain du (ou des) demandeur(s) (puisqu’il s’agit d’une class action) pourrait orienter la position des juges, au moins sur le bien-fondé de la fraude et de la tromperie à l’égard de l’acheteur.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Pierre Guynot de Boismenu
Lexing Contentieux informatique
(1) Stan Higgins, “Tezos Founders Sued for Securities Fraud in Potential Class Action”, CoinDesk.com 3-11-2017.
(2) Securities Act of 1933 [as amended through p.l. 112-106, approved april 5, 2012]