Entrée en vigueur de l’IA Act : rappel sur les règles de classification des dispositifs médicaux

classification des dispositifs médicaux

Entrée en vigueur de l’IA Act : rappel sur les règles de classification des dispositifs médicaux

Le 13 juin dernier, le Règlement (UE) 2024/1689 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle (IA Act) a été adopté par le Parlement européen et le Conseil (1).

Ce règlement encadre la mise sur le marché européen des systèmes d’intelligence artificielle (IA) et harmonise les règles applicables dans les États membres. Il est destiné à s’appliquer à certains dispositifs médicaux (DM) et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV), en particulier ceux classés à haut risque, mais pas exclusivement.

Pour plus d’informations sur l’impact du règlement IA dans le secteur de la santé et ses implications pour les acteurs des dispositifs médicaux, consultez notre article précédent : « Projet de règlement IA : Quel impact dans le secteur de la santé ? ».

Cet article fait le point sur les DM et DMDIV concernés par l’IA Act et rappelle les règles de classification des dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro fixées par les règlements 2017/745 (Règlement DM) (2) et 2017/746 (Règlement DMDIV) (3).

1. Définition et classification des DM et DMDIV

1.1. Une classification fondée sur les risques présentés par les DM et DMDIV

Les règlements européens 2017/745 (Règlement DM) et 2017/746 (Règlement DMDIV) établissent tous deux une classification des DM et des DMDIV qui est fonction de la destination des dispositifs et des risques qui leur sont inhérents.

Le règlement DM (annexe VIII) prévoit ainsi 22 règles de classification des dispositifs médicaux qui permettent de catégoriser les DM en quatre classes, dont des exemples sont donnés ci-dessous :

Classe I :
  • Dispositifs non invasifs, sauf s’ils sont concernés par les règles suivantes (application de la règle 1) ;

  • – ex. : lit médical, fauteuil roulant, lunette et verre, thermomètre, stéthoscope ;

  • Dispositifs non invasifs qui entrent en contact avec de la peau ou de la muqueuse lésée (application de la règle 4) ;

  • – ex : pansement pour la peau ;

  • Dispositifs invasifs en rapport avec les orifices du corps s’ils sont destinés à un usage temporaire (application de la règle 5);

  • – ex. : sonde urinaire (usage transitoire) ;

  • Dispositifs invasifs de type chirurgical destinés à un usage temporaire et réutilisables (application de la règle 6);

  • – ex. : scalpel ;

Classe IIa :
  • Dispositifs invasifs en rapport avec les orifices du corps destinés à un usage à court terme (application de la règle 5) sauf exception ;

  • – ex. : tube en trachéotomie ; sonde urinaire (usage à court terme) ;

  • Dispositifs invasifs en rapport avec les orifices du corps destinés à un usage à long terme et destinés à être placés dans les dents (application de la règle 8) ;

  • – ex. : implant dentaire ;

  • Dispositifs invasifs de type chirurgical destinés à un usage temporaire (application de la règle 6), sauf exception ;

  • – ex. : aiguille ; seringue ;

  • Dispositifs spécifiquement destinés à enregistrer les images de diagnostic générées par irradiation aux rayons X (application de la règle 17). 

Classe IIb :
  • Dispositifs invasifs en rapport avec les orifices du corps et destinés à un usage à long terme (application de la règle 5) ;

  • – ex. : sonde urinaire (usage à long terme) ; stent urétérale ; implant dentaire ;

  • Dispositifs invasifs de type chirurgical pour un usage à long terme (application de la règle 8) ;

  • – ex. : vis pédiculaires ;

  • Logiciels destinés à fournir des informations utilisées pour prendre des décisions à des fins thérapeutiques ou diagnostiques (application de la règle 11), sauf exception ;

  • – ex. : logiciel de navigation de chirurgie assistée par ordinateur ;
    logiciel utilisé dans des dispositifs d’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour détecter des tumeurs ou des lésions.

Classe III :
    • Logiciels destinés à fournir des informations utilisées pour prendre des décisions à des fins thérapeutiques ou diagnostiques et ayant une incidence susceptible de causer :

    • – (i) la mort ou

    • – (ii) une détérioration irréversible de l’état de santé d’une personne (application de la règle 11) ;

    • Dispositifs fabriqués à partir de tissus ou de cellules d’origine humaine ou animale, ou de leurs dérivés, non viables ou rendus non viables (application de la règle 18) ;

    • Dispositifs invasifs de type chirurgical destinés à un usage temporaire spécifiquement destinés à contrôler, diagnostiquer, surveiller ou corriger une défaillance du cœur ou du système circulatoire central par contact direct avec ces parties du corps (application de la règle 6) ;

    • Dispositifs invasifs de type chirurgical destinés à un usage à long terme s’il s’agit d’implants mammaires (4) ou de treillis chirurgicaux (application de la règle 8) ou prothèses discales ou de dispositifs implantables entrant en contact avec la colonne vertébrale (idem).

On le voit, les règles de classification des dispositifs médicaux tiennent compte de manière générale de :

    • l’endroit où le dispositif agit, à l’intérieur ou à la surface du corps humain ;

    • l’endroit où il est introduit ou appliqué ;

    • le temps d’utilisation du dispositif : temporaire, court terme ou long terme ;

    • l’absorption systémique ou non des substances dont est composé le dispositif ou des produits de métabolisme de ces substances dans le corps humain (Règlement DM, considérant 59).

Le règlement DMDIV (annexe VIII) prévoit quant à lui cinq règles de classification des dispositifs médicaux qui permettent de catégoriser ces DMDIV en quatre classes dont des exemples sont donnés ci-dessous :

  • Classe A :

  • – produits à usage général de laboratoire, comme les solutions tampons ou les solutions de nettoyage (application de la règle 5) ;

  • Classe B :

  • – dispositifs destinés à la détection des grossesses, aux tests de fertilité et à la détermination du taux de cholestérol (application de la règle 4) ;

  • Classe C :

  • – dispositifs destinés à être utilisés pour déterminer les groupes sanguins sauf exception (application de la règle 2) ;

  • – dispositifs destinés à la détection de la présence d’un agent sexuellement transmissible ou de l’exposition à un tel agent (application de la règle 3) ;

  • – dispositifs destinés à l’analyse génétique humaine (application de la règle 3) ;

  • – dispositifs destinés au dépistage de troubles congénitaux chez l’embryon ou le fœtus (application de la règle 3) ;

  • Classe D :

  • – dispositifs destinés à être utilisés pour la détermination de la charge virale d’une maladie qui met en danger la vie du patient (application de la règle 1).

La classification des dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro affecte leur processus de mise sur le marché, chaque classe étant soumise à des exigences réglementaires et de sécurité distinctes.

La principale distinction est la suivante :

    • Classe I (DM) et Classe A (DMDIV) :

    • – Évaluation de conformité effectuée par les fabricants eux-mêmes (auto-certification)

    • Classes IIa, IIb, III (DM) et Classes B, C, D (DMDIV) :

    • – Évaluation par un organisme notifié, tiers indépendant.

L’IA Act distingue les systèmes d’IA en fonction du risque qu’ils posent. Certains DM et DMDIV sont ainsi considérés comme des systèmes d’IA à haut risque.

L’article 6, point 1, énonce qu’un système d’IA peut être considéré à haut risque si les deux conditions suivantes sont réunies :

      • le système d’IA est régi par l’une des législations de l’Union listées dans l’annexe I (section A et B) de l’IA Act ;

      • le système d’IA est soumis à une évaluation de conformité par un organisme tiers indépendant, ce qui est obligatoire avant qu’il puisse être mis en circulation ou utilisé au sein de l’Union.

Or, l’annexe I (section A) de l’IA Act liste, entre autres, les règlements DM et DMDIV (art. 6, point 1). Par ailleurs, certains DM et DMDIV sont bien soumis à une évaluation de conformité par un tiers (organisme notifié) :

    • les DM autres que ceux de Classe I, donc les DM des Classes IIa, IIb et III ;

    • les DMDIV autres que ceux de Classe A, donc les DMDIV des Classes B, C et D.

Par conséquent, ces DM et DMDIV doivent être considérés comme des systèmes IA à haut risque.

L’article 6, point 2, énonce qu’un système d’IA peut encore être considéré à haut risque si le système d’IA est utilisé comme composant de sécurité d’un produit (par exemple, un DM ou un DMDIV) couvert par une législation listée dans l’annexe I et soumis à une évaluation de conformité par un tiers.

Ici, le système d’IA est indirectement classé à haut risque car son intégration dans un produit peut affecter la sécurité de l’ensemble du produit. La vérification de conformité vise donc à s’assurer que le système d’IA respecte des normes strictes avant la mise en service du produit complet.

On le voit, dans le cadre de l’IA Act, les systèmes d’IA utilisés dans des dispositifs médicaux (DM) de classes IIa, IIb, et III, ainsi que dans des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV) de classes B, C et D, sont ainsi considérés comme des systèmes d’IA à « haut risque ». Ces classes de dispositifs médicaux sont régulées plus strictement car elles présentent un niveau de risque supérieur en cas de défaillance.

Dans la mesure où les règlements DM et DMDIV prévoient déjà le marquage CE, il est intéressant de noter que  l’article 48 de l’IA Act prévoit que  « lorsque des systèmes d’IA à haut risque sont soumis à d’autres actes législatifs de l’Union qui prévoient aussi l’apposition du marquage CE,  ce marquage indique  que les systèmes d’IA à haut risque satisfont également aux exigences de ces autres actes législatifs ».

L’IA Act prévoit que les fournisseurs veillent à ce que les systèmes d’IA destinés à interagir directement avec des personnes physiques soient conçus et développés de manière que les personnes physiques concernées soient informées qu’elles interagissent avec un système d’IA (article 50, §1).

Ainsi, des mesures de transparence sont applicables aux systèmes d’IA, comme des chatbots par exemple, qui ne seraient pas qualifiés de DM à haut risque.

Cette obligation vise à informer les utilisateurs de la présence de systèmes d’IA dans ces dispositifs, améliorant leur acceptation et leur utilisation sécurisée.

Si le marquage CE des DM et des DMDIV garantit déjà une conformité des dispositifs aux règlements existants, l’IA Act marque une étape supplémentaire en exigeant, pour les systèmes d’IA à haut risque, une évaluation de conformité par un organisme notifié et des exigences de transparence, essentielles pour renforcer la confiance des utilisateurs.

Même si les DM et les DMDIV à haut risque sont les plus impactés par l’IA Act, il n‘en demeure pas moins que des dispositifs présentant à priori peu de risques peuvent également être concernés par cette nouvelle règlementation.

Chez Lexing, nous accompagnons les entreprises dans la mise en œuvre de ces nouvelles exigences, assurant ainsi un accès sécurisé et conforme au marché pour leurs dispositifs. Pour toute question en lien avec l’IA Act, n’hésitez pas à nous contacter.

(1) Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle et modifiant les règlements (CE) n° 300/2008, (UE) n° 167/2013, (UE) n° 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1139 et (UE) 2019/2144 et les directives 2014/90/UE, (UE) 2016/797 et (UE) 2020/1828 (règlement sur l’intelligence artificielle).

(2) Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE.

(3) Règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et abrogeant la directive 98/79/CE et la décision 2010/227/UE de la Commission.

(4) À la suite du scandale PIP, il avait été décidé, par dérogation aux règles stipulées à l'annexe IX de la directive 93/42/CEE (qu’a remplacé le règlement DM) de reclasser les implants mammaires comme dispositifs médicaux de la classe III en raison notamment de la toxicité potentielle de certains dispositifs introduits dans le corps humain.

Isabelle Chivoret

Avocate, Directrice du département Santé numérique

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