Le juge considère qu’une clause résolutoire n’est pas acquise si elle a été mise en œuvre de mauvaise foi par le créancier.
Outre le respect des conditions de fond et de forme attachées à la clause, celle-ci ne doit pas être activée de manière abusive, le juge devant contrôler la bonne foi des deux parties dans la mise en œuvre de la clause.
Une conception large de la bonne foi
Dans le cadre d’un contrat de bail à construire (1), le preneur s’est engagé à édifier ou faire édifier à ses frais sur le terrain appartenant à la bailleresse des constructions conformes aux plans et devis descriptifs prévus dans le contrat et à n’apporter au projet de construction des modifications d’exécution ou de délai qu’après avoir obtenu, par écrit, l’accord de la bailleresse.
Or, outre le défaut de conformité de certaines des constructions édifiées dont la bailleresse a eu connaissance en 2007, le preneur a également fait réaliser de nouvelles constructions sur le terrain sans s’enquérir de l’autorisation de la bailleresse.
C’est pourquoi cette dernière lui a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à mettre en conformité le site quant aux surfaces construites, effectuer des travaux et entretenir les constructions pour qu’elles demeurent conformes à leur destination, puis, à défaut de réponse a saisi le tribunal pour voir constater l’acquisition de la clause résolutoire.
Pour déclarer la clause résolutoire effectivement acquise, la cour d’appel a estimé que la bailleresse avait légitimement fait délivrer un commandement et que dans le délai qui lui avait été imparti, le preneur n’avait pas satisfait aux causes de ce commandement.
Au visa de l’article 1134, alinéa 3, du Code civil, la Cour de cassation a censuré la décision d’appel, reprochant ainsi à la cour d’avoir omis de rechercher, comme le preneur le lui demandait, si la clause résolutoire n’avait pas été mise en œuvre de mauvaise foi.
Sanction des comportements déloyaux des parties
L’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil dispose que les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi par les parties.
La notion de bonne foi qui fait l’objet d’un contrôle accru par les juges, est généralement perçue comme l’obligation pour le débiteur d’une obligation contractuelle d’exécuter rigoureusement et loyalement son obligation.
Or, la Cour de cassation rappelle dans sa décision que la notion de bonne foi s’impose sans distinction au débiteur comme au créancier d’une obligation contractuelle, de sorte que la mauvaise foi peut tout autant provenir du débiteur (déloyauté dans l’exécution de ses obligations contractuelles) que du créancier (usage abusif de ses prérogatives).
Il en résulte que la bonne foi ne s’applique non plus uniquement au contenu du contrat mais également aux comportements des contractants lors de l’exécution de leurs obligations et de la mise en œuvre de leurs prérogatives contractuelles.
En faisant application du principe de bonne foi non plus seulement pour vérifier que les obligations contractuelles incombant aux parties sont conformément exécutées mais aussi pour paralyser certains comportements déloyaux et sanctionner l’usage abusif d’une prérogative contractuelle par l’une des parties, en l’espèce la mise en œuvre d’une clause résolutoire, la Cour de cassation confirme une jurisprudence établie (2).
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
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(1) Cass. 3e civ. 19-11-2015, n°14-18487.
(2) Cass. 1re civ. 31-1-1995, n°92-20654.