Le blocage géographique est une pratique courante du commerce électronique transfrontalier au sein de l’Union européenne.
La directive 2011/83/UE (1) avait pour objectif le développement du commerce électronique transfrontalier. Si ce texte avait ainsi permis d’engager un processus d’uniformisation des règles nationales de protection des consommateurs en ce sens, cinq ans après le constat demeure le même.
En effet, si de plus en plus de produits et de services sont échangés via internet, les ventes en ligne transfrontalières au sein de l’Union européenne ne progressent que très lentement alors que le potentiel de croissance et de développement est particulièrement fort.
Partant sans doute de ce constat, et faisant du développement du marché unique un objectif majeur, la Commission européenne a initié une enquête sectorielle sur le commerce électronique transfrontalier.
Cette enquête visait à recueillir des informations concernant les obstacles érigés par les entreprises pouvant avoir une incidence sur le marché européen du commerce électronique, et notamment sur le commerce électronique transfrontalier.
Les premiers résultats de cette enquête (2) mettent en évidence la pratique, largement utilisée par les e-commerçants, du blocage géographique consistant à empêcher des cyberconsommateurs, en raison de leur situation géographique ou de leur pays de résidence, d’acheter des biens de consommation ou d’accéder à des services de contenu numérique.
Une telle pratique peut se traduire, s’agissant des biens de consommation, par un refus de livrer dans certains pays ou un refus d’accepter des moyens de paiement étrangers, ou encore, pour ce qui concerne les contenus numériques, par un blocage technique sur la base de l’adresse IP de l’internaute.
Il convient de noter que cette pratique est implicitement reconnue par la directive de 2011 précitée puisque cette dernière prévoit que les sites de commerce en ligne doivent indiquer clairement et lisiblement, au plus tard lors du début du processus de commande, si des restrictions de livraison s’appliquent et quels moyens de paiement sont acceptés.
Toutefois, si le blocage géographique dans le cadre du commerce électronique transfrontalier n’est pas interdit en tant que tel, il peut résulter de deux comportements distincts qui juridiquement ne seront pas qualifiés de la même manière.
En effet, cette pratique peut résulter d’une politique ou d’une décision commerciale prise unilatéralement par une entreprise qui décide de ne pas vendre à l’étranger ou uniquement dans certains pays. Dans cette hypothèse, cette décision relève de la liberté de choix de l’entreprise s’agissant de ses partenaires commerciaux et est insusceptible d’entrer dans le champ d’application du droit européen de la concurrence.
Cette pratique se différencie de celle résultant d’actions concertées ou d’accords entre détaillants et fournisseurs, de tels accords étant susceptibles de constituer des comportements anticoncurrentiels, en ce qu’ils peuvent avoir pour effet de restreindre la concurrence sur le marché unique européen, en violation des règles de l’Union européenne en matière d’ententes ou d’abus de position dominante notamment.
Forte de ces constats, la Commission européenne va engager une analyse plus détaillée des résultats de l’enquête sectorielle en cours concernant le commerce électronique transfrontalier dans le but d’établir un rapport préliminaire à paraître mi-2016 à des fins de consultation publique.
La Commission a par ailleurs indiqué que les premiers résultats de cette enquête sectorielle ne préjugeaient en rien de la mise en évidence de pratiques anticoncurrentielles ou de l’ouverture de procédures si de tels comportements devaient être relevés. A cet effet, des enquêtes pourraient être ouvertes, au cas par cas, pour s’assurer du respect des règles de l’Union européenne concernant les pratiques commerciales restrictives et les abus de position dominante.
Affaire à suivre donc s’agissant du droit de la concurrence. Pour ce qui concerne les restrictions géographiques résultant uniquement d’une décision ou d’une stratégie commerciale d’une entreprise, les constats de la Commission européenne doivent tout de même être l’occasion pour les e-commerçants de s’assurer que leurs sites web sont particulièrement clairs sur les restrictions en matière de livraison et de moyens de paiement, et qu’il existe une cohérence avec les cibles visées : à titre d’illustration, présenter un site internet en plusieurs langues alors que les ventes ne sont destinées qu’à un seul territoire ne serait pas, sauf pays multilingue, opportun.
Céline Avignon
Alain Bensoussan
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(1) Directive 2011/83/Union européenne du 25-10-2011 : eur-lex.europa.eu.
(2) Commission européenne, Communiqué de presse du 18-3-2016.