Communication électorale – La première chambre du Tribunal administratif de Strasbourg s’est prononcée le 10 juin 2014 dans le cadre d’un contentieux électoral, sur la validité des opérations ayant eu lieu le 30 mars 2014 en vue de la désignation des membres du conseil municipal d’une commune.
A l’issue du premier tour, les deux listes avaient obtenu exactement le même nombre de voix, et le maire sortant avait remporté le deuxième tour avec seulement 17 voix d’écart.
Un candidat de la liste perdante saisit le tribunal d’une demande d’annulation des opérations du deuxième tour, et invoque des manœuvres de la partie adverse de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin. Tout d’abord, il soutient que deux des candidats de la liste gagnante ne répondent pas aux conditions d’éligibilité et ne pouvaient donc régulièrement figurer sur la liste, laquelle n’aurait pas du être recevable au premier tour.
Le demandeur ajoute qu’un de ces deux candidats a fait usage des bulletins de la liste adverse pour la dénigrer dans la commune. Mais son argument central repose sur l’ajout tardif par le maire sortant, en tête de la liste gagnante, de documents de propagande sur sa page Facebook ainsi que sur celle de son premier adjoint, alors même que la campagne électorale était déjà clôturée. Le maire sortant aurait d’ailleurs selon le demandeur signé la majorité des tracts de sa campagne de communication en sa qualité de maire et non de candidat, et se serait abusivement prévalu du soutien d’un président de région, tous ces éléments étant de nature à influer sur le choix des électeurs.
En défense, le maire sortant conclut au rejet de la protestation. Il fait valoir la régularité de l’inscription de tous les candidats sur la liste électorale de la commune, et nie l’utilisation des bulletins de la liste adverse à des fins de dénigrement. Il affirme surtout que la page Facebook du comité de soutien à sa liste a été figée avant la clôture de la campagne de communication électorale et que la circonstance que des échanges aient eu lieu postérieurement sur des pages Facebook de particuliers ne peut lui être reprochée.
Concernant le fait que sa qualité de maire ait figuré sur des tracts électoraux à la place de sa qualité de candidat, il répond que cette circonstance ne peut être assimilée à une manœuvre d’orientation de vote affectant la régularité du scrutin, non plus que la mention du soutien du président de région dont il se prévaut.
Le tribunal administratif a fait droit à la demande dont il a été saisi et a prononcé l’annulation du second tour des élections municipales de la commune. Il retient que des tracts électoraux ont effectivement été ajoutés sur la page Facebook du maire sortant, rédigés sur un ton particulièrement polémique et alors que la campagne de communication était close, ce qui doit être regardé comme une opération de propagande électorale prohibée aux termes des articles L. 49 et L. 52-1 du Code électoral.
Il semble en effet que le lien entre la publication de cette communication et le résultat des élections soit indéniable ; entre le moment de leur mise en ligne et les opérations électorales, les documents litigieux ont récolté 16 mentions « j’aime ». Or l’écart entre les deux listes au deuxième tour est de seulement 17 voix en faveur de la liste du maire sortant, alors qu’une égalité parfaite de voix avait été constatée au premier tour. Compte tenu du très faible écart de voix, le tribunal retient que cette irrégularité « a été de nature à altérer la sincérité du scrutin ».
Le tribunal considère en outre que le maire sortant a outrepassé ses droits en signant des tracts en sa qualité de maire et en utilisant les armoiries de la commune, ce qui a été susceptible de fausser le choix des électeurs, tout comme le fait de se prévaloir abusivement du prétendu soutien d’un président de région, lequel n’a pourtant jamais accordé aucun soutien particulier dans le cadre de la campagne de communication dont il s’agit. Jugeant que toutes ces manœuvres, et particulièrement la communication tardive de documents électoraux sur Facebook, ont pu induire en erreur certains électeurs et altérer les résultats du scrutin, le tribunal prononce l’annulation des opérations électorales.
Marie Soulez
Chloé Legris
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