La clause de conciliation préalable obligatoire, traduisant conventionnement la volonté des parties de donner la priorité au règlement amiable et négocié de leur litige, reçoit les faveurs de la Cour de cassation, comme en témoigne l’examen de sa jurisprudence récente, applicable et pertinente en matière de contrat informatique.
Un créancier d’une obligation monétaire au titre d’un contrat de prêt immobilier, faute d’avoir été désintéressé par son débiteur dans les termes de leur accord, a entendu obtenir le remboursement de la somme prêtée.
Le contrat de prêt en question, parce qu’instrumentalisé devant notaire, constituait un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, ce qui offrait au bailleur de fonds la faculté de procéder au recouvrement forcé de sa créance en initiant l’une des procédures prévue audit Code.
Son choix s’est naturellement porté sur la saisie-immobilière, qui a la particularité de ne pas avoir été déjudiciarisée : sa mise en œuvre implique, en effet, d’assigner le débiteur devant le juge de l’exécution.
Et c’est précisément cette instance judiciaire, engagée de manière prématurée, qui posait, en l’occurrence, difficulté. En effet, les parties s’étaient engagée au respect d’une clause de conciliation préalable les obligeant à soumettre leur éventuel différend à un conciliateur missionné par le Président de la chambre des notaires, et ce préalablement à toute instance judiciaire ; passant outre cette exigence, le bailleur de fonds, pressé d’obtenir paiement de sa créance, a assigné son débiteur.
Pour écarter, en l’espèce, l’irrecevabilité de la demande formée par le bailleur de fonds tendant à obtenir la vente forcée de l’immeuble objet du financement, sanction par ailleurs retenue par le droit positif en principe (1), les juges du fond ont relevé que la clause de conciliation préalable litigieuse n’envisageait pas spécifiquement les contestations relatives à l’exécution forcée de l’acte de prêt, ce dont il résultait qu’elle n’étendait pas son emprise aux circonstances de la cause.
Le premier moyen du pourvoi faisait valoir, en critique, qu’à défaut de toute précision inverse, la clause de conciliation préalable avait, au contraire, vocation à s’appliquer quelle que soit la nature de l’instance, et notamment dans l’hypothèse d’une procédure en exécution forcée de l’acte notarié.
Au visa de l’article 1134 (alinéa 1er) du Code civil, la première chambre civile de la Cour de cassation, a censuré, pour violation de la loi, la décision des juges du fond, aux motifs que la clause de conciliation préalable « à toute instance judiciaire s’impose au juge, quelle que soit la nature de celle-ci » (2).
Cohérente au regard du mouvement de fond qui tend à favoriser le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits, mouvement qui répond à un double souci d’efficacité économique – les acteurs étant de plus en plus nombreux à y voir une manière de minimiser leur coût financier – et d’efficacité de l’appareil judiciaire – les litiges résolus à l’amiable sont autant d’affaires qui ne viendront pas engorger le rôle des juridictions –, cette décision de la Cour de cassation n’a néanmoins pas la portée qu’une lecture trop rapide pourrait lui prêter.
En reprenant la formulation utilisée par l’avocat aux conseils, selon laquelle la clause de conciliation préalable trouvait à s’appliquer « quelle que soit la nature » de l’instance, la Cour de cassation ne fait pas nécessairement œuvre de pédagogie : elle laisse entendre que le non-respect du processus amiable contractuellement convenu est de nature à entraîner systématiquement, car indifféremment de l’instance en cause, l’irrecevabilité de la demande. Or, ce n’est pas le sens à donner à cette décision. A titre d’illustration, une clause de conciliation préalable ne fait pas échec à la saisine de la juridiction provisoire en matière probatoire (3).
Ainsi, terrain d’expression de la force obligatoire des conventions aux conséquences processuelles lourdes (4), la clause de conciliation préalable n’est pas pour autant sans limite.
Benoit de Roquefeuil
Jérémy Bensoussan
Lexing Contentieux informatique
(1) Cass. ch. mixte 14-2-2003, n° 00-19423 et 00-19424 ; Cass. civ. 3e 20-9-2011, n° 10-20.990.
(2) Cass. civ. 1re 1-10-2014, n° 13-17.920.
(3) Cass. civ. 3e 28-3-2007, Bull. civ. III n° 43.
(4) Ch. mixte 12-12-2014 n° 13-19684 : Lire un précédent Post du 9-2-2015