Economie juridique
Nouvelle condamnation d’un moteur de recherche pour ses liens commerciaux
Des liens commerciaux peuvent induire en erreur les internautes
Dans le courant de l’année 2004, deux voyagistes ont constaté que les requêtes effectuées sur le moteur de recherche « google.fr » à partir du nom de leurs marques donnaient lieu à l’affichage de liens commerciaux vers les sites de certains de leurs concurrents, et que l’outil « adwords » de Google suggérait la réservation du nom de leurs marques à titre de mots-clés. Ayant été mis en demeure, Google France a informé les voyagistes de la suppression des mots-clés litigieux des suggestions de l’outil « adwords ». Constatant que des liens commerciaux continuaient à apparaître à la saisie du nom de leurs marques, les voyagistes ont assigné la société Google France devant le Tribunal de grande instance de Paris, pour contrefaçon de leurs marques, atteinte à la renommée de celles-ci, usurpation de leurs dénominations sociales, de leurs noms commerciaux et de leurs noms de domaine, publicité mensongère et concurrence déloyale et parasitaire. A titre de préjudice, les voyagistes invoquent un détournement de clientèle direct (pour un montant total de 1 877 980 €), une perte de clientèle indirecte (pour 586 076 €) et le détournement de leurs investissements publicitaires, chiffrés à la somme totale de 10 332 002 € pour une période quatre ans.
L’enjeu
Alors qu’ils estimaient leurs dommages à plus de 12 millions d’euros, et demandaient une expertise afin de préciser cette évaluation, les demandeurs obtiennent une indemnisation de 350.000 euros et leur demande d’expertise financière est écartée.
Mais le jugement considère le préjudice comme « marginal »
Cependant, les voyagistes demandent une mesure d’expertise pour chiffrer leurs préjudices et une somme provisionnelle de 800 000 € à valoir sur le montant des dommages et intérêts qui seraient retenus à l’issue de l’expertise. Le jugement (1) considère que la responsabilité de Google ne peut être retenue sur le fondement de la contrefaçon ni de l’usurpation de signes distinctifs, car ce sont les annonceurs, en réservant les mots-clés proposés ou en choisissant l’option « requête large » d’ « Adwords », qui mettent en relation les signes distinctifs de leurs concurrents pour proposer leurs services. Mais, selon le jugement, Google commet une faute lorsqu’il ne contrôle pas les droits des annonceurs sur les signes distinctifs réservés et lorsqu’il tarde à supprimer les mots-clés litigieux de son outil de suggestion. La responsabilité de Google est également retenue pour publicité mensongère (2) et pour ne pas identifier clairement le caractère publicitaire de ses liens commerciaux (3). Pour se prononcer sur les mesures réparatrices, le jugement constate que le détournement de visiteurs des sites des demandeurs vers des sites concurrents, et l’utilisation de leurs investissements publicitaires par ces derniers sont bien réels mais que le préjudice causé est « marginal », et compensé par leurs propres liens commerciaux. Le jugement souligne en effet que la fréquentation des sites des voyagistes n’a cessé d’augmenter, alors que ceux-ci invoquaient la perte de 25% de leur clientèle. S’estimant suffisamment informé, le Tribunal considère qu’une mesure d’expertise n’est pas nécessaire et accorde aux voyagistes une indemnité d’un montant total de 350 000 € (200 000 € et 150 000 €).
Les conseils
L’expertise sur les dommages subis peut se justifier lorsque le demandeur ne peut disposer de tous les éléments nécessaires pour justifier ses prétentions. En l’espèce, l’augmentation de la fréquentation des sites des demandeurs pendant la période des faits a convaincu le Tribunal du caractère marginal du préjudice et de l’inutilité d’une expertise.
(1) TGI Paris 3e Ch. 7 janvier 2009 Voyageurs du Monde et Terres d’Aventure c/ Google France et Google Inc
(2) Code de la consommation, Art. L121-1
(3) Loi du 20 juin 2004 (LCEN), Art. 20
Paru dans la JTIT n°85/2009 p.11
(Mise en ligne Février 2009)