Le caractère spéculatif d’un prêt est indifférent quant à la qualification de consommateur de l’emprunteur.
A la suite d’un contentieux jurisprudentiel nourri sur les notions fuyantes de « consommateur », « non-professionnel » et « professionnel » dont l’enjeu, d’importance, est l’application ou non des dispositions du Code de la consommation à la situation en cause, l’ordonnance relative à la partie législative du code précité a procédé à une recodification et clarification des notions (1).
Désormais, l’article préliminaire du Code de la consommation dispose qu’il faut entendre par consommateur « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
Par arrêt du 22 septembre 2016 (2), la Première chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser un peu plus la notion de « consommateur » aujourd’hui gravée dans le marbre du Code de la consommation.
En l’espèce, un prêt destiné à financer une opération d’épargne reposant sur la spéculation boursière avait été consenti par un établissement de crédit à des époux. En suite d’un impayé, la banque avait notifié aux emprunteurs la déchéance du terme et intentée une action en recouvrement.
La question de la prescription de l’action en recouvrement de la banque s’est alors présentée devant les juridictions.
Les emprunteurs soutenaient l’application de la prescription biennale de l’article L.137-2 du Code de la consommation (3) tandis que la banque, ne voulant voir son action prescrite, sollicitait l’application de la prescription de droit commun qui est de cinq ans.
La détermination des règles de prescription était conditionnée par la qualification de « consommateur » ou non des époux ayant souscrit ce prêt à caractère spéculatif.
Pour la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, les époux ne pouvaient prétendre à la qualité de consommateurs au sens du Code de la consommation.
Les juges du fond ont en effet considéré les emprunteurs comme des professionnels en raison de la nature spéculative du prêt accordé.
Toutefois, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en considérant le critère de la spéculation comme étant indifférent sur la notion de consommateur.
En infirmant la décision des juges du fond, la Cour de cassation, davantage fidèle à l’esprit du Code de la consommation, privilégie ainsi un critère finaliste du consommateur en affirmant dans un chapeau que « Ne perd pas la qualité de consommateur la personne physique qui, agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, souscrit un prêt de nature spéculative ».
Ainsi, la finalité d’épargne constituée par la spéculation boursière d’un prêt de trésorerie ne fait pas perdre à l’emprunteur sa qualité de consommateur dès lors que ce prêt n’a pas été contracté dans le cadre d’une activité professionnelle.
Pierre-Yves Fagot
Maxime Guinot
Lexing Droit Entreprise
(1) Ordonnance n°2016-301 du 14-3-2016 relative à la partie législative du Code de la consommation.
(2) Cass. com., 13-9-2016, n°15-11174, Liquidateur de la société Sécurité et signalisation c/ M. X.
(3) C. consom, art. L.137-2, recodifié C. consom, art. L.218-2.