Un moteur de recherche sur internet proposait l’indexation automatique de liens vers des sites internet permettant la reproduction de vidéos, tout en offrant de les regarder directement sur son propre site. Cette activité a été mise en cause dans quatre affaires par des producteurs, éditeurs et distributeurs d’œuvres audiovisuelles ayant constaté la présence de liens sur le site du moteur de recherche donnant gratuitement accès à un de leurs films en version intégrale, en streaming ou en téléchargement, sans leur autorisation.
Les titulaires des droits sur ces films ont demandé au moteur de recherche de faire cesser la mise à disposition des vidéos. Celui-ci a indiqué avoir procédé au retrait des vidéos, mais celles-ci sont restées accessibles.
Le Tribunal, saisi des quatre affaires, a interdit au moteur de poursuivre la mise à disposition des films, et il l’a condamné, au titre de la contrefaçon, dans une seule affaire, estimant à 75 000 € le préjudice patrimonial causé par la contrefaçon. Le moteur de recherche a fait appel de ces quatre jugements.
La Cour d’appel de Paris a, au contraire, retenu des actes de contrefaçon dans les quatre affaires, sur le fondement des articles L335-3 et L335-4 du Code de la propriété intellectuelle, car la prestation du moteur de recherche ne se limitait pas à une prestation de stockage lorsqu’il proposait de visualiser les films directement sur son site.
Dans chaque affaire, les victimes invoquaient un « préjudice patrimonial » causé par la contrefaçon, ainsi qu’un préjudice professionnel et d’image. Les données justifiant le montant de ces demandes ne sont pas précisées, ni, dans deux affaires, la répartition des préjudices entre les différents demandeurs.
L’évaluation du préjudice
Pour fixer le montant des réparations, la Cour d’appel relève le nombre de visionnages de chaque film, justifié par des constats ou des copies d’écran, sauf dans une affaire où il n’est pas précisé, non plus que la période pendant laquelle les vidéos étaient accessibles. Soulignant que tous les visionnages ne se seraient pas traduits par des achats et sans autres indications quantitatives ou qualitatives, les décisions fixent le montant du préjudice patrimonial causé par la contrefaçon à 150 000 € (67% de la demande) pour un film visionné 3284 fois (à répartir entre 3 sociétés), 150 000 € (67%) pour un film vu 29661 fois (pour une victime), 100 000 € (48%) pour un film visionné 1352 fois (pour 2 sociétés) et 110 000 € (92%) pour un film dont le nombre de visionnages n’est pas indiqué (pour 2 sociétés).
Il est difficile de reconstituer la formule d’évaluation qui permet de chiffrer le préjudice personnel de chaque victime, sans connaître, notamment, le prix de vente des vidéos, les marges de chaque opérateur, le taux de substitution retenu, les bénéfices du contrefacteur…, d’autant que deux décisions laissent les victimes « faire leur affaire personnelle de la répartition entre elles » des indemnités.
Dans les 4 affaires, les demandes de réparation, formulées au titre d’un préjudice professionnel et d’image, sont rejetées au motif que la diffusion sur le site mis en cause n’est pas de nature à banaliser les films, ni à porter atteinte à la réputation professionnelle des victimes.
CA Paris, Pôle 5, 2e ch., 14 janvier 2011 n° 09-11729, n ° 09-11737, n° 09-11739, n° 09-11779,