Les photographies sont des œuvres bénéficiant de la protection par le droit d’auteur, sous réserve de leur originalité, définie comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Aussi, dès lors qu’il y a reproduction d’une photographie originale sans autorisation de son auteur, il y a contrefaçon.
Les prérequis d’une action en contrefaçon. Plus que jamais en matière de photographie, le point stratégique de toute action judiciaire en contrefaçon réside dans la démonstration de l’originalité du cliché. Cette démonstration impose de rechercher dans la combinaison des éléments caractéristiques l’effort personnel de création.
En matière d’œuvres photographiques, l’originalité est ainsi le résultat de l’empreinte de la personnalité du photographe laquelle peut être révélée dans la mise en scène du sujet photographié, dans le cadrage ou l’angle de prise de vue choisis mais également par les techniques de développement utilisées ou les retouches effectuées lors du travail de la photographie (1).
L’incertitude jurisprudentielle. Les juges du fond apprécient souverainement l’originalité d’une photographie in concreto. Un fort aléa jurisprudentiel en la matière existe. En mai 2015, la Cour de cassation valide la méthodologie suivie par la Cour d’appel de Paris pour retenir l’originalité de photographies qui « donnent globalement l’impression qu’émerge de chacune d’elle, en oblique, et au sein d’une abondante chevelure sombre, bouclée, un visage très pâle où les seules touches de vives couleurs s’avèrent comme mises en évidence de manière excessive ; que l’attention est attirée sur les lèvres maquillées du mannequin aux yeux clos évoquant le sommeil, soit sur son regard en coin, fixe, s’imposant quoique les yeux soient à peine entrouverts du fait de l’angle de prise de vue souligné par le positionnement du visage de partie de doigts clairs aux ongles rouges apparaissant sortir de la chevelure » (2).
La cour d’appel avait déduit des choix du photographe un parti-pris esthétique le démarquant du simple « savoir-faire professionnel ».
Dans un arrêt du 10 mars 2015, la Cour d’appel de Paris a relevé « une recherche de mise en valeur des objets photographiés traduisant un parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur » jugeant ainsi que les 6 758 photographies litigieuses pouvaient bénéficier de la protection par le droit d’auteur (3).
Toutefois, le Tribunal de grande instance de Paris a rendu le 21 mai 2015 une décision assez sévère en matière d’appréciation de l’originalité d’une photographie (4). Il a considéré que la contrefaçon n’était pas établie car le cliché n’était pas original. En effet, le Tribunal souligne « l’absence de précision sur l’origine de ses choix constitutifs des caractéristiques originales revendiquées » et considère que l’accent porté sur les caractéristiques esthétiques est indifférent au regard de l’appréciation de l’originalité d’une photographie. Le photographe aurait dû démontrer que les choix relatifs au cadrage, à la lumière et au décor étaient le fruit d’une réflexion permettant d’attester que la photographie portait l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Outre qu’il est difficile de déterminer un courant jurisprudentiel homogène permettant d’apprécier, avant toute action judiciaire, les critères de l’originalité, les juges font preuve de plus en plus de sévérité, souhaitant certainement restituer à la notion d’originalité une réelle pertinence dans la protection de la création.
Marie Soulez
Clémence Delebarre
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
(1) CJUE 1-12-2011, Aff. C-145-10, Eva-Maria P. c/ Standard VerlagsGmbh.
(2) Cass. 1e Civ.,15-5-2015, n°n°1327391.
(3) CA Paris, 10-3-2015, Stéphane B. c/ Artnet France et Artnet Worldwide Corporation.
(4) TGI Paris, 21-5-2015, Sté Bowstir Limited, G. M. c/ Sté Egotrade.