Quelle est la loi applicable en matière de contrefaçon de droit d’auteur réalisée sur un site internet ?
C’est à cette question que la Cour d’appel de Paris a répondu, le 4 décembre 2015 (1), dans une affaire dans laquelle la société Emilio Pucci reprochait à la société H&M d’avoir reproduit un de ses modèles de robe et d’imprimé aux fins d’illustrer un magazine destiné à la promotion de sa collection capsule « volutes façon Pucci », inspirée de la célèbre maison. Ce magazine était accessible sur le site internet de la société H&M.
Selon cette décision, la loi applicable en matière de contrefaçon de droit d’auteur est celle du pays où la protection est demandée, « s’il existe un lien de rattachement substantiel avec ce pays ».
Pour parvenir à cette solution, la cour d’appel a interprété le principe énoncé à l’article 5-2 de la convention de Berne (2) selon lequel « la loi applicable pour apprécier tant la titularité des droits sur l’œuvre que les actes de contrefaçon, à défaut de dispositions contraires, est la loi du pays où la protection est réclamée ».
Au cas d’espèce, elle a examiné s’il existait un lien de rattachement substantiel entre la France et le site internet sur lequel les actes de contrefaçon ont été relevés, comme le soutenait la société Emilio Pucci.
Le fait que le magazine soit diffusé sur un site internet « rattaché à la France par l’extension .fr », qui affiche des prix notamment en euros et qui est rédigé en français a conduit la cour d’appel à considérer que la publication était destinée à un public français, ce qui constituait bien un lien substantiel avec la France justifiant que le litige soit examiné au regard de la loi française.
En revanche, la localisation en Suède de la société éditrice du site internet de la société H&M n’a pas été retenue comme un critère déterminant.
Les juges ont également rejeté l’argument de l’exception de courte citation, posée par le Code de la propriété intellectuelle (3) selon lequel, sous réserve que son nom soit clairement indiqué, l’auteur d’une œuvre divulguée au public ne peut interdire la reproduction d’un court extrait si elle est justifiée par le caractère d’information de l’œuvre à laquelle l’extrait est incorporé.
Ils ont en effet considéré que le modèle de robe en question n’était pas reproduit aux fins d’illustrer des articles destinés à informer le public comme le prétendait la société poursuivie, mais visait, au contraire, à renforcer les produits de sa collection capsule « à la façon Pucci ». Ces reprises ne revêtaient donc « aucun caractère secondaire et accessoire » poursuivant un but d’information. Au surplus, la simple mention « volutes façon Pucci » était insuffisante et ne valait pas mention de l’auteur, de sorte que la société poursuivie a été reconnue comme contrefactrice de la robe Pucci.
Anne-Sophie Cantreau
Audrey Cuenca
Lexing Droit des marques
(1) Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 4-12-2015, RG n°2012/10744 (INPI).
(2) Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, modifiée le 28-09-1979.
(3) CPI art. L. 122-5.