L’utilisateur d’un logiciel ne peut revendre sa copie de sauvegarde sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur
Par un arrêt du 12 octobre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») a précisé la portée de l’épuisement du droit de distribution prévu par la réglementation européenne en matière de logiciel.
La règle d’épuisement du droit de distribution d’un logiciel
En vertu de la règle d’épuisement du droit de distribution d’un logiciel, initialement énoncée à l’article 5 de la directive 91/250/CEE du Conseil du 14 mai 1991, puis à l’article 4 de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, « (…) la première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur dans la Communauté par le titulaire du droit ou avec son consentement épuise le droit de distribution de cette copie dans la Communauté, à l’exception du droit de contrôler des locations ultérieures du programme d’ordinateur ou d’une copie de celui‑ci ».
Ce principe implique qu’une fois qu’un produit protégé par un droit de propriété intellectuelle a été mis sur le marché, par le titulaire du droit ou avec son consentement, celui-ci perd le contrôle qu’il avait sur la distribution et l’utilisation de ce produit.
La question posée à la CJUE
En l’espèce, une cour régionale de Lettonie a, dans le cadre d’une question préjudicielle, demandé à la CJUE si l’utilisateur d’un logiciel qui avait réalisé une copie de sauvegarde du logiciel pouvait vendre cette copie de sauvegarde sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur sur le logiciel (en l’espèce, la société Microsoft) dans le cas où :
- le support matériel d’origine du logiciel a été endommagé et ;
- le vendeur de la copie de sauvegarde a rendu inutilisable toute autre copie du logiciel en sa possession.
Revente d’une copie de sauveragde : l’analyse de la CJUE
(1) L’indifférence des dispositions contractuelles limitant le droit de distribution. La CJUE a précisé qu’en vertu de la règle d’épuisement du droit de distribution, l’éditeur d’un logiciel (il s’agissait en l’espèce de la société Microsoft) qui a vendu, dans l’Union européenne, la copie d’un logiciel sur un support physique (tel qu’un CD-Rom ou un DVD-Rom), avec une licence d’utilisation illimitée, ne peut pas s’opposer aux reventes ultérieures de cette copie d’origine par l’acquéreur initial ou les acquéreurs successifs.
A ce titre, la CJUE a précisé que le titulaire du droit d’auteur ne saurait s’opposer à de telles reventes, nonobstant l’existence de dispositions contractuelles interdisant toute cession ultérieure de la copie d’origine du logiciel.
(2) L’indifférence entre les copies matérielles et immatérielles. La CJUE a également rappelé que l’épuisement du droit de distribution prend effet après la première vente d’une copie d’un logiciel dans l’Union européenne, indépendamment du point de savoir si la vente porte sur une copie matérielle ou immatérielle du logiciel.
En effet, pour la CJUE, l’épuisement du droit de distribution porte sur la copie du programme d’ordinateur elle-même et la licence d’utilisation qui l’accompagne et non pas sur le support physique sur lequel cette copie a, le cas échéant, été pour la première fois mise en vente.
(3) Les limites relatives à la réalisation d’une copie de sauvegarde. En revanche, la CJUE a rappelé que la réglementation subordonne la réalisation d’une copie de sauvegarde d’un logiciel à deux conditions :
- d’une part, la copie de sauvegarde doit être réalisée par une personne qui est en droit d’utiliser le logiciel ;
- d’autre part, la réalisation d’une copie de sauvegarde doit être nécessaire à cette utilisation.
La conclusion de la CJUE
La CJUE considère que le régime relatif à la réalisation d’une copie de sauvegarde étant une exception au droit exclusif de reproduction du titulaire du droit d’auteur sur un logiciel, celui-ci doit faire l’objet d’une interprétation stricte.
Il en résulte qu’une copie de sauvegarde d’un logiciel d’ordinateur ne peut être réalisée et utilisée que pour répondre aux seuls besoins de l’utilisateur du logiciel.
En conséquence, cet utilisateur ne peut pas revendre sa copie de sauvegarde à une tierce personne, même si la copie d’origine du logiciel était endommagée, détruite ou égarée.
La solution alternative – téléchargement d’une copie depuis le site internet de l’éditeur
Conformément à sa précédente jurisprudence , la CJUE semble avoir permis qu’un nouvel acquéreur d’une licence d’utilisation illimitée de logiciel puisse télécharger une copie du logiciel à partir du site Internet de l’éditeur.
En effet, pour la CJUE, l’acquéreur légitime du logiciel, qui détient une licence d’utilisation illimitée mais qui ne dispose plus du support d’origine sur lequel ce logiciel lui avait été livré, ne saurait être privé de toute possibilité de revendre d’occasion la copie du logiciel seulement parce que la copie a été détruite, endommagée ou égarée. En décider autrement serait priver d’effet utile l’épuisement du droit de distribution.
Dans cette hypothèse, il appartiendra à celui qui télécharge une copie de ce programme sur son ordinateur à partir du site Internet de l’éditeur d’établir, par tout moyen de preuve, qu’il a légalement acquis cette licence.
Marie Soulez
Viraj Bhide
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
(1) CJUE 3-7-2012, C‑128/11, UsedSoft GmbH c/ Oracle International Corp.