Le 7 mai 2024, la Cour d’appel de Rennes a rendu une décision qui a soulevé de nombreuses interrogations sur la qualification juridique d’une œuvre en droit d’auteur, en mentionnant une « œuvre commune », un terme pourtant inexistant dans le Code de la propriété intellectuelle.
Contexte juridique et problématique
Cour d’appel de Rennes : qualification d’ « œuvre commune » contestée
En droit d’auteur, une œuvre peut être qualifiée d’œuvre de collaboration, d’œuvre collective ou d’œuvre composite. Une œuvre de collaboration est réalisée conjointement par plusieurs auteurs, tandis qu’une œuvre collective est initiée par une personne morale ou physique qui en assume la direction et la publication, sans que les contributions individuelles soient identifiables. L’œuvre composite, quant à elle, résulte de l’incorporation d’une œuvre préexistante dans une nouvelle création, avec l’accord de l’auteur de l’œuvre première.
La notion d’ « œuvre commune », mentionnée par la Cour d’appel de Rennes, est absente de ces catégories définies par le Code de la propriété intellectuelle. Cette absence de reconnaissance juridique soulève des questions importantes quant à la nature des droits d’auteur applicables et à la protection des droits moraux des créateurs. La décision du 7 mai 2024 s’inscrit donc dans un cadre juridique déjà complexe, où la qualification exacte d’une œuvre est cruciale pour déterminer les droits de chaque partie.
Analyse de l’affaire : une décision épineuse
Cour d’appel de Rennes : qualification d’ « œuvre commune » contestée
L’affaire concernait deux étudiants ayant conçu des expériences pour le parc du Futuroscope et fondé une société pour poursuivre ces projets. Après avoir demandé l’arrêt de l’exploitation non autorisée de leurs œuvres, ils ont intenté une action en justice pour contrefaçon, revendiquant des droits d’auteur et un préjudice moral. Le Tribunal de grande instance de Rennes a rejeté leurs demandes, considérant l’œuvre comme collective et transférant les droits d’auteur à l’entreprise.
En appel, la Cour d’appel de Rennes a confirmé cette décision mais a évoqué la notion d’ « œuvre commune », sans clarifier si l’œuvre était collective ou de collaboration. Cette qualification floue crée une incertitude quant aux droits moraux des créateurs et à leur statut d’auteur, compliquant ainsi la répartition des droits sur l’œuvre.
Implications juridiques de la mention d’une œuvre commune
Cour d’appel de Rennes : qualification d’ « œuvre commune » contestée
La décision de la Cour d’appel de Rennes d’utiliser le terme « œuvre commune » est problématique car cette notion n’existe pas en droit d’auteur français. Cette imprécision peut entraîner des conflits sur l’attribution des droits : les droits moraux sont réservés aux œuvres de collaboration, tandis que dans les œuvres collectives, ils appartiennent à la personne morale commanditaire. Le terme « œuvre commune » semble reconnaître partiellement les contributions des auteurs tout en niant leurs droits moraux, créant ainsi un flou juridique susceptible d’affecter d’autres créateurs.
La Cour d’appel de Rennes risquait d’introduire une confusion juridique en mentionnant une « œuvre commune », un concept inexistant en droit d’auteur, posant ainsi un défi pour l’interprétation et la protection des droits d’auteur en France.
Marie Soulez
Avocate, Directrice du département Propriété intellectuelle Contentieux
Marie Soulez
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