Le crowdequity ou financement participatif par souscription de titres financiers connaît un essor considérable depuis mai 2014.
Cette date correspond à l’entrée en vigueur de l’ordonnance (1) et de son décret d’application du 16 septembre 2014 (2), définissant ainsi le cadre réglementaire du financement participatif (3).
En effet, les fonds collectés en 2014 représentaient un total de 154 millions d’euros contre 78,3 millions en 2013. Cet essor est d’autant plus notable du côté des plateformes de financement participatif de prêts qui ont récolté, à elles seules, 88,4 millions d’euros en 2014 (4).
Financement participatif par souscription de titres financiers ou crowdequity. Les plateformes de financement participatif par souscription de titres financiers (crowdequity), moins populaires (25,4 millions en 2014) commencent cependant à se faire une place sur ce marché avec notamment l’arrivée du premier prestataire de services d’investissement, ayant obtenu un agrément de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) le 31 mai 2015 (5).
Prestataire de services d’investissement et conseiller en investissement participatif. Ce nouvel acteur entre en concurrence avec les conseillers en investissement participatif (CPI) déjà installés sur le marché français du financement participatif par souscription de titres financiers (crowdequity) émis par des sociétés non cotées.
L’entrée tardive des prestataires de services d’investissement (PSI – défini à l’article L 531-1 du code monétaire et financier) sur le marché s’explique notamment par l’encadrement réglementaire strict de ce statut.
Régime juridique divergent. En effet, contrairement aux CPI qui doivent être immatriculés auprès du registre de l’ORIAS, les PSI doivent obtenir un agrément de l’ACPR en vue de fournir un service de conseil en investissement. La liste des PSI est publiée sur le registre des agents financiers (REGAFI) tenu par l’ACPR.
L’obtention de cet agrément est notamment subordonnée à la constitution d’un capital d’un minimum de 50 000€ pour les PSI ne détenant pas de fonds ou de titres de leur clientèle, à 125 000€ dans le cas contraire. Les CPI n’ont quant à eux, aucune contrainte capitalistique.
Régime juridique commun. Les PSI tout comme les CPI sont régulés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de ce fait, sont soumis aux règles d’organisation et de bonne conduite définies dans les Livres III et IV du Règlement général de l’AMF.
Ils sont tenus d’agir, en toutes circonstances, au mieux de l’intérêt de leurs investisseurs, en réalisant des audits des entreprises sujettes à investissement et en mettant notamment en place un site internet dit « d’accès progressif », c’est-à-dire un site permettant, d’une part, d’avertir les investisseurs des risques spécifiques liés aux investissements dans des sociétés non cotées et, d’autre part, de s’assurer que l’offre d’investissement correspond à l’expérience, aux connaissances ainsi qu’à la situation familiale et patrimoniale de chaque investisseur.
Les informations que doivent fournir les plateformes des PSI et des CPI aux investisseurs sont notamment prévues par les articles 314-106 et 325-38 du Règlement général de l’AMF. Les informations publiées par les plateformes sont exhaustives et permettent ainsi de renseigner au mieux les investisseurs sur l’émetteur, ainsi que sur son projet.
Cette obligation d’information mise à la charge des plateformes est la contrepartie même de la dérogation au droit boursier offerte aux PSI et CPI. Ces derniers sont en effet exemptés de publication de prospectus sous certaines conditions :
- le montant total de l’offre calculé sur 12 mois ne peut dépasser, pour un même émetteur, un millions d’euros ;
- l’offre doit être réalisée par le biais d’un site internet d’accès progressif ;
- et bien entendu, l’émetteur et la plateforme doivent fournir aux investisseurs des informations simples, claires et équilibrées sur les spécificités du projet et la nature de l’offre (tels que les risques et frais liés) (6).
Enfin, en gardant toujours comme objectif la protection des investisseurs, l’Etat français a mis en place un label afin de permettre aux internautes d’identifier clairement les plateformes répondant à toutes les exigences réglementaires françaises.
Ainsi, les PSI disposant d’un site internet d’accès progressif ainsi que les CPI peuvent recevoir ce label à condition de respecter le règlement d’usage de la marque collective mis en place par l’agence du patrimoine immatériel de l’Etat (7).
Avantages du statut de prestataire de services d’investissement. Les contraintes juridiques imposées aux PSI trouvent leurs justifications dans les avantages que procure ce statut.
En effet, le statut de PSI offre plus de perspectives de développement puisqu’il permet à son titulaire de détenir des fonds ou des titres de la clientèle et, de proposer toutes les catégories de titres financiers. Les CPI ne peuvent, quant à eux, que proposer des titres simples, à savoir, des actions ordinaires et des obligations à taux fixes.
Enfin, l’ultime avantage que procure le statut de PSI tient à son droit d’exercer son activité de financement participatif au sein des autres Etats membres de l’Espace économique européen (EEE) par le biais du passeport européen.
Plateforme étrangère opérant en France. Pour pouvoir proposer des offres d’investissement en France, une plateforme étrangère sera contrainte d’acquérir le statut de PSI ou de CPI soit :
- par le biais du passeport européen si la plateforme a déjà le statut de PSI dans un autre Etat membre de l’EEE ;
- en créant une société PSI ou CPI en France.
Le statut de PSI offre dès lors de nombreuses perspectives de développement aux plateformes souhaitant étendre leur activité en dehors des frontières nationales par le biais du passeport européen.
Frédéric Forster
Lexing Droit Télécoms
(1) Ordonnance 2014-559 du 30-5-2014.
(2) Décret 2014-1053 du 16-9-2014.
(3) Voir un précédent Post du 1-10-2014.
(4) Baromètre de l’année 2014, crowdfunding France, Compinnov, www.financeparticipative.org.
(5) Voir la Lettre Juristendances Informatique et Télécoms n°157-2015.
(6) http://www.amf-france.org/
(7) Règlement d’usage de la marque collective,