Les décrets e-sport, application de la nouvelle réglementation sur les jeux vidéo sportifs, ont été publiés au Journal officiel du 10 mai 2017 (1).
Le paysage e-sportif français attendait la parution de ces décrets relatifs aux articles 101 qui a notamment introduit les articles L.321-8 à L.321-11 dans le Code de la sécurité intérieure, et 102 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique (2) .
On le rappelle, les décrets e-sport sont relatifs à l’organisation des compétitions de jeux vidéo (3) et au statut des joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs (4).
Voici les principaux éléments et principes posés par ces décrets.
L’organisation des compétitions de jeux vidéo par les décrets e-sport
Les décrets e-sport et la loi pour une République numérique font une utilisation normalisée de l’expression « compétitions de jeux vidéo ». L’e-sport revête une signification identique.
L’objet du premier des décrets e-sport (décret n° 2017-871) qui crée les articles R. 321-40 à R. 324-4 du Code de la sécurité intérieure, vise à organiser les acteurs responsables des compétitions e-sport. Il fait suite à la rédaction du nouveau chapitre Compétitions de jeux vidéo, créé par l’article 101 de la loi pour une République numérique, lequel avait écarté les compétitions physiques de jeux vidéo de la qualification des loteries prohibées.
Les principales mesures que l’on pourrait retenir sont les suivantes, classées en plusieurs thématiques :
Sur la déclaration de la compétition
- une personne physique ou morale qui assure l’organisation matérielle et le financement d’une compétition e-sport devra la déclarer ;
- la déclaration s’effectuera par la mise en place d’un système de téléservice ;
- le dossier de déclaration est déposé un an au plus tard sauf urgence motivée où il pourrait être déposé dans les trente jours au moins avant le début de la compétition ;
- comme les décrets viennent tout juste de paraître, on peut bien entendu imaginer une dérogation pour les compétitions à venir ce mois-ci.
Sur la participation des mineurs
- l’autorisation du représentant légal du mineur est conservée pendant un an par l’organisateur ;
- interdiction de participation des mineurs de moins de 12 ans si la compétition offre des récompenses monétaires ;
- une structure recrutant un mineur de moins de 16 ans devra effectuer une demande d’autorisation auprès du préfet du siège de l’entreprise ;
- le montant des récompenses monétaires pour un mineur de moins de 16 ans est laissé à la disposition de ses représentants légaux et sera fixé par arrêté. Le surplus des gains obtenus sera versé par l’organisateur à la Caisse des dépôts et consignations au nom du (des) mineur(s) pour être géré jusqu’à sa (leur) majorité.
Sur les coûts d’organisation
- les frais de participation et autres sacrifices financiers sont précisés et ne peuvent dépasser un taux de 100 % du montant total d’organisation de la compétition incluant les récompenses ;
- l’organisateur doit démontrer un instrument ou mécanisme garantissant le reversement en totalité des gains si ces derniers dépassent la somme de 10 000 euros ;
- cet instrument ou mécanisme pourrait s’apparenter à une sûreté, une fiducie, une assurance ou encore un compte sous séquestre.
Sur les sanctions prévues
- si aucune déclaration de la compétition n’a été faite, l’organisateur s’expose à une contravention de quatrième classe, soit 135 € ;
- le fait de faire participer un mineur de moins de 12 ans pour les compétitions avec des récompenses monétaires est passible d’une contravention de cinquième classe, soit 1500 € ;
- la même contravention est prévue si l’organisateur ne justifie pas du recueil de l’autorisation du représentant légal pour la participation d’un mineur à sa compétition.
Les conditions d’emploi des joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs
L’objet du second des décrets e-sport (décret n° 2017-872) vise à définir les conditions pour recruter des joueurs professionnels de jeux vidéo comme l’énonçait l’article 102 de la loi pour une République numérique.
- la demande d’agrément de l’entité qui emploie le joueur professionnel doit être adressée au ministre chargé du numérique (par courrier électronique ou postal). La demande est accompagné des justificatifs prévus par le présent décret ;
- l’agrément est délivré pour une durée de trois ans renouvelables ;
- l’entité peut également se voir retirer l’agrément si elle ne respectait pas certaines conditions notamment liées à l’hygiène ou au travail des mineurs ;
- les dates de début et de fin de saison des compétitions seront définies par un arrêté du ministre chargé du numérique ;
- ce second décret n’entre en vigueur qu’à partir du 1er juillet 2017.
Pourquoi réglementer l’e-sport ?
Les contraintes de déclaration, de contrôle des compétitions ou de risque de sanctions applicables ne doivent pas avoir pour effet de ralentir le développement de l’e-sport.
Les compétitions mettent en jeu des gains de plus en plus importants. L’Etat s’y intéresse afin de les contrôler mais aussi pour assurer un meilleur cadre légal de leur organisation.
Comme toute autre discipline sportive reconnue, des règles sont nécessaires pour encadrer leur déroulement. Par exemple en Corée du Sud, l’Etat reconnaît officiellement l’e-sport et soutient son développement par une organisation créée en 2000, la KeSPA (5).
Sans ces contrôles, les abus pourraient devenir nombreux et les joueurs professionnels seraient alors les premières victimes de cette déréglementation. Néanmoins, le développement et la démocratisation de l’e-sport ne peut avoir lieu sans une discussion entre les pouvoirs publics et tous les acteurs de cette discipline.
Marie Soulez
Rothmony Var
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(1) JORF n° 109 du 10-5-2017, textes n° 50 et 51.
(2) Loi 2016-1321 du 7-10-2016 pour une République numérique, art. 101 et 102 relatifs aux compétitions de jeux vidéo.
(3) Décret 2017-871 du 9-5-2017 relatif à l’organisation des compétitions de jeux vidéo.
(4) Décret 2017-872 du 9-5-2017 relatif au statut des joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs.
(5) Korea e-Sports Association, fédération coréenne en charge de la gestion de l’e-sport en Corée du Sud.