La dématérialisation des bulletins de paie est possible depuis la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures. L’employeur peut, avec l’accord du salarié, remettre le bulletin de salaire sous forme électronique (1).
La dématérialisation des bulletins de paie sous conditions
Le législateur a également précisé que la durée de conservation, par l’employeur, des bulletins de salaire est de 5 ans (2). Jusqu’alors, le bulletin de salaire ne pouvait être remis qu’en main propre ou par voie postale.
L’examen des débats parlementaires (3) confirme, s’il en était besoin, la défiance assez systématique à l’égard des documents dématérialisés, le support papier demeurant, dans l’esprit de beaucoup encore la panacée et ce, même si la gestion électronique des documents facilite considérablement le classement de l’information et, par conséquent, l’aptitude à la retrouver. Aussi, le législateur a pris soin de subordonner la dématérialisation des bulletins de paie à la condition que soit garantie l’intégrité des données.
L’enjeu est d’autant plus important que le bulletin de salaire est une pièce justificative que le salarié devra conserver, quasiment sans limitation de temps, ne serait-ce que pour faire valoir ses droits à la retraite. Pour autant, la loi ne précise pas les moyens devant être mis en œuvre pour satisfaire cette exigence d’intégrité, ni même les conditions de recueil du consentement des salariés concernés.
Compte tenu des économies escomptées, liées aux frais d’impression, de stockage et, le cas échéant, d’acheminement, l’introduction de cette nouvelle possibilité mérite de s’arrêter sur les conditions techniques susceptibles de répondre à l’exigence d’intégrité des bulletins de salaire électroniques. S’agissant du bulletin de salaire électronique, le législateur s’est contenté d’exiger que l’intégrité soit assurée au stade de la remise.
Compte tenu des dispositions du Code civil sur la valeur probante des documents électroniques, issues de la réforme du 13 mars 2000 et, tel que cela ressort des travaux parlementaires, le législateur a considéré qu’il n’était pas nécessaire d’autoriser les employeurs à procéder à la dématérialisation des bulletins de paie, mais seulement de préciser les conditions de leur remise aux salariés.
La dématérialisation des bulletins de paie et la preuve
Comme pour l’ensemble des documents sous forme électronique, l’intégrité doit être assurée au stade de la création et de la conservation des documents. Ce concept de cycle de vie de l’information (ou ILM) (4) se retrouve parfaitement illustré dans le Code civil, qui subordonne l’équivalence probatoire de l’écrit sous forme électronique à l’écrit sur support papier, à la double condition que l’auteur du document soit dûment identifié et que le document soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (5). Une lecture littérale de cette nouvelle disposition du Code du travail conduit, a priori, à privilégier le recours à la signature électronique sécurisée.
La signature électronique sécurisée est celle qui, en particulier, permet de garantir un lien avec le document de telle sorte que toute modification ultérieure de ce dernier soit détectable (6). Pratiquement, le recours à des formats de type PDF, associés à la signature électronique, permet de répondre à cette exigence.
Pour autant, le recours à la signature électronique ne semble pas la seule voie possible ; en effet, la norme française relative à l’archivage électronique (7), dont une nouvelle version a été publiée en février 2009 permet de répondre à l’exigence d’intégrité, sans nécessairement recourir à la signature électronique, selon le type de support de stockage utilisé et le niveau de sécurité recherché.
L’intérêt du recours à la norme est triple. Tout d’abord, il permet de disposer d’un référentiel officiel permettant de déterminer les exigences fonctionnelles, organisationnelles et techniques permettant de répondre à l’exigence d’intégrité. En outre, la norme organise l’auditabilité du système mis en œuvre.
Enfin, la norme peut tout aussi bien être utilisée dans le cadre d’une solution interne qu’externalisée. Compte tenu des économies atteintes grâce aux projets de dématérialisation, mais également de la nécessité de l’accord des salariés concernés, il va de soi que la mise en œuvre de la dématérialisation des bulletins de salaire, en interne, peut être une opportunité de mener une expérience pilote, selon une méthodologie reproductible.
A ce sujet, la norme internationale sur le records management (8) constitue un référentiel pertinent, dans la mesure où il permet d’inscrire tout projet de dématérialisation dans un cadre éprouvé, allant de l’analyse des exigences légales au contrôle de la mise en œuvre, en passant par la conception et la mise en œuvre du système d’archivage électronique.
La dématérialisation des bulletins de paie et le Code du travail
Le recensement des exigences légales mettra notamment en évidence la nécessité de respecter les dispositions du Code du travail relatives à l’introduction des nouvelles technologies (9), c’est à dire, en pratique d’informer et de consulter préalablement les représentants du personnel et de veiller à la conformité avec la loi sur la protection des données à caractère personnel (10).
Compte tenu des enjeux liés à la conformité et au contrôle interne, de la croissance exponentielle des volumétries de stockage et des économies obtenues, il peut donc être opportun de démarrer son système d’archivage électronique en y associant d’emblée juristes, informaticiens et fonctionnels concernés, sur un périmètre circonscrit, comme les bulletins de salaire. Inversement, c’est à dire en cas d’externalisation, un audit de conformité de la solution mise en œuvre apparaît hautement recommandable.
(1) Code du travail, art. L. 3243-2
(2) Code du travail, art. L. 3243-4
(3) Séance du 24 03 2009, compte rendu des débats du Sénat
(4) Information Lifecycle Management
(5) Code civil, art. 1316-1
(6) Décret 2001-272 30-3-2001
(7) NF Z 42-013 :2009, Archivage électronique, spécifications relatives à la conception et à l’exploitation de systèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégrité des documents stockés dans ces systèmes
(8) ISO 15489-2 :2001, Records management, Guide pratique
(9) Code du travail, art. 2323-13
(10) Loi 78-17 du 6-1-1978, dite loi Informatique et libertés