La notification du lancement d’un appel d’offres constitue le point de départ du préavis de la rupture commerciale.
Une conception large de la notification de la rupture commerciale
La notification électronique par le client du lancement d’un appel d’offres ne doit pas être pris à la légère par le prestataire.
Par contrat du 19 septembre 2002, la société X a confié le transport de ses marchandises à la société Y. Dans le cadre d’un appel d’offres, notifié notamment à la société Y par courrier électronique du 25 février 2009, la société X a souhaité confier une partie des prestations, initialement réalisées par la société Y, à d’autres prestataires.
A l’issue de l’appel d’offres, la société X a notifié à la société Y, par lettre du 18 juin 2009, la modification de son contrat à compter du 1er juillet 2009. C’est pourquoi la société Y a assigné la société X en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.
Elle reprochait à la société X de n’avoir pas respecté un délai de préavis suffisant, considérant que le délai avait commencé à courir à compter non pas de la notification du lancement de l’appel d’offres mais de la notification de la modification du contrat par courrier postal.
Pour faire courir le délai de préavis au jour de la notification du lancement de l’appel d’offres, intervenu par courrier électronique du 25 février 2009, la cour d’appel a estimé que celui-ci avait bien été notifié à la société Y puisqu’il résultait de la capture d’écran versée aux débats par la société X, dont la société Y était destinataire et auquel d’autres sociétés avaient répondu, que le courrier électronique avait bien été envoyé à l’adresse effective de la société Y.
Suite au pourvoi formé par la société Y, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel au motif que les constatations et appréciations de la Cour avaient permis de s’assurer de l’intégrité du courrier électronique qui ne pouvait être remise en cause et jugé que la notification électronique du lancement de l’appel d’offres valait notification de la rupture partielle de la relation commerciale établie et constituait, en conséquence, le point de départ du préavis.
La rupture commerciale impacte le point de départ du préavis
L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce dispose que la rupture brutale d’une relation commerciale établie sans préavis écrit engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice en résultant.
En l’espèce, la Cour de cassation a considéré que la notification électronique du lancement d’un appel d’offres faisait courir le délai de préavis de la rupture dans les conditions requises par l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.
Cette décision, conforme à la jurisprudence de la chambre commerciale qui a déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce point dans un litige où la notification du lancement d’un appel d’offres était intervenue par courrier postal, laquelle précisait toutefois que l’auteur de la rupture devait manifester, sans ambiguïté, son intention de rompre la relation commerciale, apporte une nouveauté sans précédent.
En effet, la Cour de cassation considère que la notification électronique du lancement d’un appel d’offres vaut notification de la rupture commerciale pourvu que son intégrité, et plus largement celle de sa copie par capture d’écran, ne puisse être remise en cause et ce conformément à l’article 1316 du Code civil. Elle ne s’est toutefois pas prononcée sur la partie étant chargée de rapporter la preuve de cette intégrité.
Une telle décision pourrait venir contourner les conditions de forme d’une clause contractuelle de résiliation. Pour autant, en l’état et en l’absence de publication de la décision au bulletin, il apparaît plus prudent de notifier le lancement d’un appel d’offres par voie postale.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
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(1) Cass. com., 2-11-2011, n°10-26656.