Un détenu peut exercer un référé afin de sauvegarder les données à caractère personnel de sa messagerie électronique.
Le Conseil d’Etat juge qu’un détenu est fondé à exercer un référé mesures utiles afin de sauvegarder ses données à caractère personnel (1).
Nécessité de connexion du détenu à l’adresse de messagerie électronique
Un détenu, condamné à une peine d’un an d’emprisonnement, était titulaire de plusieurs comptes de messagerie qui contenaient ses données à caractère personnel. Selon le contrat régissant ces comptes, il était nécessaire de se connecter à sa messagerie au moins une fois tous les six mois pour éviter que les données archivées ne soient supprimées et que les comptes soient bloqués et au moins une fois par an pour conserver l’usage de ses comptes.
Le requérant alléguait, d’une part, qu’il ne possédait pas de copie des données à caractère personnel enregistrées sur ses comptes et, d’autre part, qu’il ne disposait d’aucun contact extérieur susceptible de maintenir ses comptes.
Le requérant a demandé au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, de lui accorder l’autorisation de se connecter à sa messagerie ou de désigner un tiers de confiance qui puisse le faire afin de sauvegarder ses données à caractère personnel.
Par ordonnance du 1er septembre 2017, le Président du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes tendant à la conservation de ses données à caractère personnel au motif qu’elle n’était pas au nombre de celles qu’il avait le pouvoir de satisfaire dans le cadre d’un référé mesures utiles. Le requérant s’est pourvu en cassation contre cette décision.
Considération de la nature de biens des données archivées
Le Conseil d’Etat a tout d’abord jugé que les données du requérant qui étaient archivées sur ses comptes de messagerie devaient « être regardées comme ses biens personnels ».
Il a ensuite considéré que le requérant ne pouvait, eu égard à sa qualité de détenu, accéder à sa messagerie électronique pour sauvegarder ses données à caractère personnel et en conserver l’usage.
Possibilité d’un référé afin de conservation de ces biens
Il a jugé que, dans ces conditions, et sous réserve de l’existence d’une situation d’urgence, la mesure demandée, qui présentait un caractère conservatoire et ne faisait pas obstacle à l’exécution d’une décision administrative, était au nombre de celles dont pouvait être saisi le juge des référés sur le le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative.
Le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance frappée de pourvoi et, réglant l’affaire au fond, jugé qu’il n’y avait plus lieu de se prononcer sur la demande, car celle-ci était devenue sans objet, dès lors que le détenu n’était plus incarcéré depuis le 2 janvier 2018.
Notons qu’en l’espèce, la demande effectuée par le détenu n’avait pas fait l’objet d’un refus de l’administration.
Dans le cas contraire, le juge aurait pu rejeter la demande du requérant, car une telle mesure aurait fait obstacle à l’exécution d’une décision administrative et les conditions posées par l’article L. 521-3 du code de justice administrative n’auraient donc pas été remplies (2).
Virginie Bensoussan-Brulé
Raphaël Liotier
Lexing Droit pénal numérique
(1) CE, SSR, 5 mars 2018, n° 414859
(2) CE, 5 février 2016, n° 393540