Le devoir de conseil de l’assureur face à un professionnel est réaffirmé par la cour de Cassation.
En novembre 2008, une société d’évènementiel a organisé une exposition visant à exhiber des dépouilles et organes de personnes humaines.
Pour se garantir contre toute perte pécuniaire liée à l’annulation de l’exposition – extérieure à sa volonté – elle a souscrit deux contrats d’assurance distincts avec deux sociétés d’assurance différentes.
Saisi par des associations contre la peine de mort, le juge des référés a ordonné l’interdiction de l’exposition sur le fondement des articles 16 et suivants du Code civil. Cette décision a été confirmée en appel et en cassation (1), l’exposition de cadavres à des fins commerciales étant contraire au Code civil.
Les assureurs refusant d’indemniser la société, cette dernière a alors intenté une seconde action visant à obliger les assureurs à l’indemniser du fait des conséquences de l’interdiction de l’exposition et à la dédommager au titre de la violation de leur obligation d’information et de conseil. Ces derniers ont invoqué qu’ils n’avaient pas eu connaissance du caractère illicite de l’évènement et qu’il appartenait à l’assuré de se renseigner sur la licéité de l’exposition.
Le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel (2) ont prononcé la nullité des contrats d’assurance pour illicéité de la cause et ordonné la restitution des primes versées au titre des contrats. S’agissant de la violation de l’obligation d’information et de conseil, la société étant un professionnel de l’évènementiel, de surcroît assistée pour la souscription du contrat de son propre courtier, il lui incombait de s’assurer de la licéité de l’exposition projetée.
L’arrêt d’appel a été cassé aux motifs qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résultait pas des constations et énonciations évoquées par la cour d’appel que les assureurs avaient attiré l’attention de la société sur le risque d’annulation de l’exposition litigieuse, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil (3).
La Cour de cassation réaffirme le devoir de conseil de l’assureur à l’égard de son assuré en présence de risque contraire à l’ordre public. Il est constant que les risques contraires à l’ordre public ne sont pas assurables. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans sa décision du 16 septembre 2010, dans laquelle elle avait estimé qu’une exposition de cadavres humains plastifiés portait atteinte à la dignité et à la décence dues aux personnes décédées, principe d’ordre public. Les contrats d’assurances souscrits par l’organisateur de l’exposition étaient donc nuls.
Or, l’article 1147 du Code civil impose une obligation d’information et un devoir de conseil à l’égard des assureurs professionnels. Il en résulte que les assureurs étaient tenus d’attirer l’attention de leur assuré sur le risque d’annulation de l’exposition litigieuse due à la possible cause illicite.
La Cour de cassation rappelle fermement que la qualité de professionnel de l’assuré ou la présence d’un courtier n’atténuent en rien l’obligation d’information pesant sur les assureurs qui demeure entièrement opposable à ces derniers.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Laure Lalot
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(1) Cass. 1e civ. 16-9-2010, n° 09-67456.
(2) CA Paris 5-2-2013, n° 12/10020, pôle 2, ch. 5, Sarl Encore Events c/ Cie Areas Dommages et a.
(3) Cass. 1e civ., 29-10-2014, n° 13-19729.