La poursuite en diffamation publique et atteinte à la vie privée par simple déclaration de plainte auprès du commissariat de police peut présenter des risques au regard du délai de prescription.
Eu égard au régime de prescription dérogatoire de trois mois qui s’applique en matière d’infractions de presse, l’article 85 du Code de procédure pénale consacre la possibilité pour agir contre de telles infractions de déposer directement plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des juges d’instruction, dont le dépôt est interruptif de prescription.
Il ne s’agit là que d’une possibilité, la personne s’estimant victime d’une infraction de presse telle la diffamation gardant la possibilité d’engager l’action publique par dépôt d’une plainte simple ; ce qui peut, parfois, revêtir un intérêt notamment lorsque le plaignant entend agir sur deux fondements distincts dont un seul bénéficie du régime de prescription dérogatoire prévu à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881.
L’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 16 septembre 2014 illustre, toutefois, les dangers de cette option (1).
Dans le cas qu’a eu à connaître la Haute juridiction, le plaignant avait engagé des poursuites pour diffamation publique et atteinte à la vie privée par simple déclaration de plainte auprès du commissariat de police.
Après avoir eu gain de cause en première instance et en appel, la Cour est entrée en voie de cassation considérant que les juges du fond avaient méconnu le second alinéa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 et que l’action publique s’en trouvait éteinte par l’effet de la prescription.
Cette position de la Cour de cassation tient à une lecture littérale dudit article qui dispose que « Toutefois, avant l’engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d’enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l’enquête est ordonnée ».
Il en résulte que, contrairement aux règles communes de la procédure pénale, pour lesquelles un procès-verbal de police enregistrant une plainte simple constitue un acte interruptif de prescription (2), en matière de délits de presse seules les réquisitions aux fins d’enquête du parquet, comme un « soit transmis » c’est-à-dire un document adressé aux services de police afin d’obtenir l’ouverture d’une enquête, peut interrompre la prescription.
Autre difficulté, il est également prévu à peine de nullité que, comme pour les autres actes introductifs d’instance visés par la loi du 29 juillet 1881, la réquisition doit articuler et qualifier les faits objets de la poursuite. Ce qui implique qu’elle doit énumérer les propos poursuivis et mentionner la ou les qualifications juridiques auxquels ces propos renvoient (diffamation, injure, etc.).
Or, n’ayant aucune incidence sur la procédure au stade de l’enquête, a contrario de l’instruction, le plaignant ne peut que se fier à la diligence du parquet, lequel n’est pas toujours très au fait des particularités de la procédure de presse.
Au final, cet arrêt illustre de nouveau les divers pièges que recèle la procédure en matière de délits de presse et milite, une nouvelle fois, pour le recours à un avocat spécialisé.
Virginie Bensoussan-Brulé
Julien Kahn
Lexing Droit pénal numérique
(1) Cass. crim. 16-9-2014, n° 13-85457.
(2) Cass crim 09-07-2003, n° 03-82063.