La Cour de cassation rappelle les critères de la diffamation publique d’un élu, d’un citoyen chargé d’un mandat public.. Par arrêt du 29 novembre 2016, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé coupables de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public le directeur de la publication du site internet www.rue89.com et l’auteur de l’article publié sur ce site qui imputait à un conseiller général d’avoir été « mis en examen pour prise illégal d’intérêt [et] favoritisme ».
Caractérisation de la diffamation publique d’un élu
La diffamation publique envers un envers un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public qu’il soit temporaire ou permanent, est réprimée par l’article 31, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881.
Pour permettre une caractérisation de l’infraction, les propos incriminés doivent :
- imputer des faits précis de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération de la personne visée ;
- avoir pour objet de discréditer l’homme public, dans l’exercice de ses fonctions, plutôt que l’homme privé ;
- être diffusés publiquement.
Dans cette affaire, un conseiller général avait déposé, sur le fondement des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, une plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, suite à la publication d’un article mis en ligne sur le site de Rue89 le visant nommément et dans lequel il était indiqué qu’il avait été mis en examen notamment pour des faits de prise illégale d’intérêt et de favoritisme.
L’imputation d’avoir commis dans l’exercice de ses fonctions des infractions pénales caractérise le délit
Le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables, en leurs qualités respectives d’auteur principal pour le directeur de la publication et de complice pour l’auteur de l’article, de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public et les a condamnés, chacun, à 1.000 euros d’amende avec sursis et au paiement de la somme d’un euro à la partie civile. Le directeur de la publication, l’auteur de l’article et la partie civile ont tous trois relevé appel de cette décision.
La Cour d’appel de Paris, par arrêt du 10 décembre 2014, a confirmé le jugement entrepris. Elle a en effet jugé que les propos faisaient état d’une mise en examen erronée, le conseiller général n’ayant pas été mis en examen des chefs de prise illégale d’intérêt et de favoritisme, mais de deux autres chefs d’accusation également visés dans l’article.
Elle précise en outre que « l’atteinte à l’honneur et à la considération de l’intéressé ne doit pas s’apprécier selon l’exégèse de juristes spécialisés, mais en fonction du niveau de compréhension du lecteur moyen ».
Elle relève enfin que « si la mise en examen de la partie civile, ou l’absence de celle-ci, a un sens spécifique dans le contexte politique, précédemment rappelé, celle-ci est indifférente au caractère diffamatoire ou non d’allégations, qui toutes imputent à un conseiller général des infractions pénales commises dans l’exercice de ses fonctions ».
Diffamation publique d’un élu : l’absence de base factuelle suffisante exclut la bonne foi
L’excuse de bonne foi permet à l’auteur des propos diffamatoires de s’exonérer de sa responsabilité. Toutefois, la bonne foi, qui ne se présume pas, n’est retenue que dans l’hypothèse où l’auteur a justifié :
- de la légitimité du but poursuivi : l’imputation diffamatoire doit être justifiée par les nécessités de l’information ou la défense de l’intérêt général ;
- de l’absence d’animosité personnelle : l’imputation diffamatoire ne doit nourrir aucune querelle ou intérêt personnel ;
- de prudence dans la relation des faits et de mesure dans l’expression ;
- du sérieux de l’enquête.
La Cour de cassation affirme de manière constante qu’« il faut qu’à tout le moins le sujet d’intérêt général se greffe sur une base factuelle suffisante » (2).
En l’espèce, la cour d’appel a jugé que « les prévenus doivent justifier d’une base factuelle suffisante qui doit être d’autant plus solide que l’allégation porte sur des faits graves », ce qui n’était pas le cas.
En outre, la cour d’appel a considéré que le bénéfice de la bonne foi ne pouvait être accordé aux prévenus qui n’avaient pas « attendu la publication du communiqué du procureur de la République apportant les précisions qu’ils avaient sollicitées sur les faits dénoncés ».
Diffamation publique d’un élu : le rejet du pourvoi par la Cour de cassation
Le directeur de la publication du site internet et l’auteur de l’article incriminé ont alors formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, pourvoi rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation qui a estimé qu’« en statuant ainsi, et dès lors, d’une part, que portent atteinte à la considération de la partie civile le fait, pour les prévenus, de lui imputer, à tort, une mise en examen pour une affaire qui n’avait pas été retenue et le rapprochement de certaines phrases de l’article incriminé laissant entendre que M. Z… avait été mis en examen pour deux sinon quatre affaires, d’autre part, qu’excluent la bonne foi l’absence de base factuelle suffisante et le fait de ne pas avoir attendu la publication du communiqué du procureur de la République apportant les précisions qu’ils avaient sollicitées sur les faits dénoncés, la cour d’appel a justifié sa décision ».
Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Contentieux numérique
(1) Cass. crim. 2-11-2016 n°15-80511.
(2) « Infractions de presse et droit de savoir du public », extrait de l’étude « Le droit de savoir », Rapport de la Cour de cassation, 2010.