Parce qu’elle peut présenter un intérêt pour la collectivité, la diffamation peut être rendue légitime par les faits justificatifs qui lui sont propres, à savoir l’exceptio veritatis et la bonne foi, mais également par les faits justificatifs ordinaires, comme l’ordre de la loi.
Prévu à l’article L122-4 du Code pénal (1), le fait justificatif de l’ordre de la loi permet ainsi à l’auteur d’un acte normalement répréhensible de s’exonérer de sa responsabilité pénale dès lors qu’une loi ou un règlement l’a enjoint ou lui a permis d’adopter ce comportement répréhensible.
Cet article dispose en effet que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires » .
Peu utilisé en matière de diffamation, le fait justificatif de l’ordre de la loi reste pourtant parfaitement applicable à cette matière, ainsi que l’illustre l’arrêt rendu le 27 mai 2015 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
En l’espèce, un contribuable avait adressé à sa mairie un courrier faisant état de la délivrance en toute illégalité d’un permis de construire par le maire de sa commune, et aux termes duquel il demandait que soit exercée, au nom de la commune, une action pour prise illégale d’intérêts, en justifiant une telle demande sur le fondement de l’article L 2132-5 du Code général des collectivités territoriales (2) qui dispose que « tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d’exercer, tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer ».
En réaction à la réception de cette lettre, le maire de la commune avait fait citer son auteur devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un dépositaire de l’autorité publique.
Après avoir requalifié les faits, les juges du fond avaient condamné le prévenu pour diffamation non publique. Pour refuser au prévenu le bénéfice de la bonne foi, la Cour d’appel avait retenu que le courrier litigieux présentait seulement des affirmations relatives à des faits imputés au maire de la commune portant atteinte à son honneur et à sa considération et n’apportait aucune justification fondant la mise en œuvre de l’article L 2132-5 du Code général des collectivités territoriales.
Au soutien de son pourvoi, le prévenu invoquait le bénéfice du fait justificatif de l’ordre de la loi faisant valoir que le courrier avait simplement eu pour objet d’avertir les organes de la commune de l’action qu’il envisageait d’engager et de leur permettre de délibérer sur cette question conformément aux dispositions de l’article L 2132-5 du Code général des collectivités territoriales.
Faisant une exacte application de l’article L122-4 du Code pénal, la Chambre criminelle de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel considérant que le comportement du prévenu résultait bien « d’une prescription de la loi » lui incombant « de justifier le bien-fondé de l’action en justice qu’il requérait, et de mettre les organes de la commune à même de se prononcer ».
Lexing Alain Bensoussan Avocats
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(1) C. pén. art. L122-4.
(2) C. général des collectivités territoriales, art. L 2132-5.