La diffusion d’un crime sur les réseaux sociaux engage-t-elle la responsabilité de l’hébergeur ? Virginie Bensoussan-Brulé répond aux questions d’Océane Herrero, pour le journal Le Figaro.
Le viol d’une jeune femme a été filmé et diffusé sur Twitter en fin de semaine dernière. Cette vidéo a été divulguée pour dénoncer la violence du quartier de Stalingrad à Paris, mais sa diffusion pose question sur le plan légal.
- A-t-on le droit de partager la vidéo d’un viol, même pour le dénoncer ?
- La plateforme, en l’occurrence Twitter, doit-elle être tenue pour responsable ?
Pour l’avocate Virginie Bensoussan-Brulé :
Compte tenu de la couverture médiatique, on peut estimer que Twitter a connaissance de la vidéo quand bien même elle ne lui aurait pas été signalée formellement. Twitter devrait en conséquence la supprimer, et ce, d’autant plus qu’il interdit la publication de vidéos montrant des « comportements sexuels violents », dans son document « Règles et politiques » ».
Toutefois les réseaux sociaux ne sont pas les seuls responsables en cas de diffusion d’une telle vidéo de viol. La personne qui poste ou celles qui partagent les images peuvent également être poursuivies.
Quelle responsabilité pour la diffusion sur les réseaux sociaux ?
Dans le cas de la vidéo de Stalingrad, ni la victime, ni le violeur, ne sont identifiables :
Si je défendais un tel cas, j’invoquerais l’article 222-33-3 du Code pénal » suggère l’avocate.
- Est constitutif d’un acte de complicité des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne (…) le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions.
- Le fait de diffuser l’enregistrement de telles images est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
- Le présent article n’est pas applicable lorsque l’enregistrement ou la diffusion (…) est réalisé afin de servir de preuve en justice.
Malheureusement, pour servir de preuve, il aurait fallu que cette vidéo soit seulement présentée à la justice via la police et non largement diffusée.
Attention : la diffusion d’un crime change la donne
Certains ont pensé faire un acte militant, mais c’est presque contre-productif (…). A chaque fois que l’on partage ces images, il s’agit d’un nouvel acte de diffusion. Or celui qui diffuse peut devenir auteur de l’infraction » rappelle Virginie Bensoussan-Brulé.
Pharos (Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements) réagit régulièrement contre la diffusion d’un crime sur les réseaux sociaux. Il est donc recommandé de signaler le contenu sur le site www.internet-signalement.gouv.fr.
ne les partagez pas, ne les likez pas, ne les retweetez pas » n’a de cesse de répéter l’avocate.
« Twitter peut-il être sanctionné pour la diffusion de la vidéo d’un viol ? », par Océane Herrero, pour Le Figaro, 26 mai 2021.