Injure non publique et correspondance privée : pas si simple de s’y retrouver pour la qualification des faits…
L’affaire concerne un courrier électronique injurieux à l’encontre du dirigeant d’une société envoyé par un salarié à sa DRH. Rédigé à l’encontre du directeur de la société, il comprend le passage suivant :
« Voilà je t’ai donné mes horaires pour que tu puisses truander avec le bougnoul ».
Le dirigeant avait alors agi sur le fondement de l’« injure non publique » commises envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, faits prévus par les articles R.625-8-1 alinéa 1er, du Code pénal, 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimés par les articles R.625-8-1 alinéa 1er et R.625-8-2 du Code pénal.
La qualification d’ « injure non publique »
L’injure est définie à l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui dispose que « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».
L’injure peut être de nature publique ou privée. Elle revêt alors une qualification délictuelle dans le premier cas, et contraventionnelle dans le second (1).
En l’espèce, c’est cette dernière qualification qu’avait choisie le dirigeant visé par le courrier électronique poursuivi. Se pose alors la question de savoir quelles sont les conditions essentielles de caractérisation de l’« injure non publique ».
La qualification de correspondance privée, exclusive de la celle d’ « injure non publique »
En l’espèce, le tribunal rappelle que pour être constitutifs d’injure, même non publique, au sens de la loi du 29 juillet 1881, les propos « doivent avoir été faits avec un minimum de publicité comme ayant été prononcés devant un ou plusieurs tiers ou ayant été distribué par courrier, voir messagerie électronique à un autre destinataire au moins en dehors de la personne visée par cette injure ».
En l’espèce, le tribunal considère que les propos ne sont pas constitutifs d’ « injure non publique », en se fondant sur les critères suivants :
Aucun tiers n’a eu connaissance de ces propos en dehors du destinataire lui-même d’une part et que ces propos contenus dans un message électronique sont couvert par le secret des correspondances d’autre part ;
Les propos ne vise pas le destinataire du message mais un tiers et que les propos injurieux visant un tiers ne constituent à l’égard de celui-ci la contravention d’injure non publique que si l’écrit qui les contient a été adressé dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Le tribunal en déduit que les propos ainsi tenus avaient un caractère secret et confidentiel, excluant toute condamnation sur le fondement de l’ « injure non publique » (2).
Chloé Legris-Dupeux
Lexing Pénal numérique et e-réputation
(1) Diffamations et injures non publiques : une répression renforcée, Chloé Legris et Géraldine Camin
(2) TGI de Paris, jugement du 19 novembre 2018, sur Légalis.net.