Le décret prévoyant les modalités de mise en œuvre du dossier médical partagé est paru. Suite à l’échec du dossier médical personnel créé initialement en 2004 (1), la loi de modernisation de notre système de santé (2) l’a réformé, en commençant par changer son nom pour « dossier médical partagé » (DMP).
Elle a également retiré la gestion du DMP à l’ASIP Santé pour le confier à la Caisse nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), désormais responsable de traitement.
Le décret du 4 juillet 2016 (3) est venu préciser les contours du DMP, dorénavant régi par les articles L. 1111-14 et suivants (4) et R. 1111-26 et suivants (5) du Code de la santé publique.
Tout dossier médical personnel créé avant le 5 juillet 2016, date de publication du décret, est mué automatiquement en dossier médical partagé (art. 2 du décret). La CNAMTS devra en informer les titulaires.
L’enjeu
Ces conditions de création et de fonctionnement du DMP doivent permettre son large développement aux fins d’assurer une meilleure coordination des soins et de rationaliser la prise en charge des patients.
Le dossier médical partagé, nouvelle formule
Le décret définit le DMP (art. R. 1111-26 du Code de la santé publique) comme suit :
« dossier médical numérique destiné à favoriser la prévention, la qualité, la continuité et la prise en charge coordonnée des soins des patients ».
Comme précédemment, les personnes autorisées à disposer d’un DMP sont les bénéficiaires de l’assurance maladie (art. L. 1111-14 et R. 1111-26 du Code de la santé publique). Il s’agit toujours d’une simple faculté. En effet, les sanctions consistant à diminuer la prise en charge par l’assurance maladie pour ceux refusant l’accès à un professionnel de santé à leur DMP avaient été supprimées par la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 21 juillet 2009 (6).
Le décret précise ensuite que le consentement « exprès et éclairé » du bénéficiaire est nécessaire pour toute ouverture de son DMP (art. R. 1111-26 et R. 1111-32 du Code de la santé publique).
Quatre catégories de personnes peuvent ouvrir un DMP (art. R. 1111-32 du Code de la santé publique) :
- le bénéficiaire de l’assurance maladie lui-même ;
- tout professionnel de santé, quel que soit son mode d’exercice, et les personnes exerçant sous sa responsabilité ;
- les personnes assurant des fonctions d’accueil des patients au sein des établissements de santé, des laboratoires de biologie médicale, des services de santé, ou des établissements et services sociaux et médico-sociaux ;
- les agents des organismes d’assurance maladie obligatoire qui interviennent directement auprès des bénéficiaires de l’assurance maladie.
Le DMP est alimenté par le professionnel de santé « à l’occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge » ainsi par une synthèse annuelle rédigée par le médecin traitant (art. L. 1111-15 du Code de la santé publique).
Le décret détaille les données qui peuvent être inscrites dans le DMP (art. R. 1111-30 du Code de la santé publique) :
- données relatives au titulaire du DMP, à savoir :
- données d’identification ;
- données de santé ;
- données consignées dans le dossier par le titulaire lui-même ;
- données relatives à la prise en charge ;
- données relative à la dispensation de médicaments, en provenance du dossier pharmaceutique ;
- données relatives au don d’organes ou de tissus ;
- données relatives aux directives anticipées ;
- données d’identification des représentants légaux ou personnes en charge de la mesure de protection, le cas échéant ;
- données d’identification de la personne de confiance ;
- données d’identification des proches du titulaire à prévenir en cas d’urgence ;
- données d’identification du médecin traitant ;
- données relatives au recueil des consentements pour la création et pour les accès au DMP ;
- liste actualisée des professionnels de santé ayant déclaré être autorisés à accéder au DMP et la liste des professionnels de santé auxquels le titulaire a interdit l’accès à son DMP.
La Cnil a rappelé, dans son avis préalable au décret (7), « le principe selon lequel les données contenues dans le DMP devront être adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la finalité du DMP ».
Ces données sont conservées 10 ans après la clôture du DMP ou du dernier accès (art. L. 1111-18 et R. 1111-34 du Code de la santé publique).
En outre, il est prévu que le DMP soit conforme aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité, en application de l’article L. 1110-4-1 et R. 1111-27 du Code de la santé publique.
En cas de situation ou d’événement révélant un dysfonctionnement grave ou une utilisation frauduleuse, la CNAMTS en informe le titulaire et les professionnels de santé concernés (art. R. 1111-34 du Code de la santé publique).
Dans l’attente du décret d’application de l’article L. 1111-8-1 du Code de la santé publique qui désigne le Numéro d’inscription au répertoire des personnes physiques comme identifiant national de santé, la CNAMTS devra continuer à utiliser l’ancien identifiant national de santé (art. 3 du décret).
LA CNAMTS devra encore définir « l’ensemble des procédures techniques et organisationnelles nécessaires à l’application des dispositions du présent décret ». Les procédures concernant les modalités d’utilisation du DMP seront rendues publiques. (art. 3 décret).
Un accès maîtrisé au dossier médical partagé
Trois types d’accès par le titulaire sont définis (art. L. 1111-19 et R. 1111-35 du Code de la santé publique) :
- au moyen de ses propres identifiants ;
- par le professionnel de santé ;
- par l’hébergeur agréé du DMP.
Le titulaire peut modifier les informations qu’il a renseignées lui-même dans son dossier, mais pas celles inscrites par un professionnel de santé. S’il souhaite que ces dernières soient modifiées, il doit en demander la rectification auprès du professionnel de santé concerné ou auprès de la CNAMTS (art. R. 1111-37 du Code de la santé publique).
En revanche, une fois que le DMP est créé, le titulaire ne peut s’opposer à ce qu’un professionnel de santé alimente le DMP, sauf motif légitime (art. R. 1111-36 du Code de la santé publique).
Le titulaire peut ne pas autoriser l’accès aux informations contenues dans le Code de la santé publique aux professionnels de santé, comme il le pouvait dans l’ancienne version du DMP (art. R. 1111-38 et L. 1111-15 du Code de la santé publique). Deux exceptions sont prévues pour le professionnel de santé qui a déposées ces informations et pour le médecin traitant du titulaire.
En effet, le médecin traitant du titulaire et tout professionnel de santé désigné par le titulaire ont un accès total au DMP (art. R. 1111-43 et L. 1111-16 du Code de la santé publique). Le médecin traitant est d’ailleurs en charge de réaliser une synthèse du DMP annuellement.
Par ailleurs, l’article R. 1111-41 du Code de la santé publique prévoit que tous les membres d’une équipe de soins sont réputés avoir été autorisés à accéder au DMP du patient dès lors que l’un des professionnels de santé a été autorisé à y accéder par le titulaire. Pour les professionnels de santé hors de l’équipe de soins, le consentement du patient est nécessaire.
Le titulaire peut dresser une liste de professionnels de santé auxquels il interdit l’accès (art. R. 1111-41 du Code de la santé publique) ; le médecin traitant ne peut en faire partie.
Le titulaire peut s’opposer à l’accès à son DMP lorsqu’il est hors d’état de manifester sa volonté ou lors d’un appel d’aide médicale urgente (art. L. 1111-17 et R. 1111-39 du Code de la santé publique).
Enfin, un professionnel de santé peut inscrire une information dans le DMP qui n’est délivrable que par un professionnel de santé en raison de la nature sensible de l’information (art. R.1111-42 du Code de la santé publique). Après un premier délai de 15 jours, si l’annonce n’a pas été faite, un message enjoignant le titulaire à consulter un PS est adressé. Si après un délai total d’un mois, aucune consultation n’a eu lieu, l’information devient automatiquement accessible au titulaire.
Marguerite Brac de la Perriere
Aude Latrive
Lexing Santé numérique
(1) Loi 2004-810 du 13-8-2004 relative à l’assurance maladie.
(2) Loi 2016-41 du 26-1-2016 de modernisation de notre système de santé.
(3) Décret 2016-914 du 4-7-2016 relatif au dossier médical partagé.
(4) CSP, art. L1111-14 et suivants.
(5) CSP, art. R1111-26 et suivants.
(6) Loi 2009-879 du 21-7-2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
(7) Cnil, Délib. 2016-147 du 12-5-2016 portant avis sur un projet de décret en Conseil d’Etat relatif au dossier médical partagé.