La CEDH s’est récemment prononcée sur une affaire opposant propos diffamatoires et droit à la liberté d’expression.
Dans son arrêt Olafsson du 16 mars 2017, la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que la condamnation pour diffamation d’un responsable de publication qui n’a fait que relayer des propos, certe diffamatoires, porte atteinte à son droit à la liberté d’expression.
En l’espèce (1), un responsable de publication islandais a diffusé des propos sur internet prétendant qu’un candidat aux élections des membres de l’Assemblée constituante avait commis des actes de pédophilie. La Cour suprême islandaise l’a jugé coupable de diffamation.
Le responsable de la publication a alors saisi la CEDH, estimant que cette condamnation portait atteinte à son droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Critères de la violation du droit à la liberté d’expression
Il y a violation du droit à la liberté d’expression lorsque se produit une ingérence dans l’exercice par un individu de son droit à la liberté d’expression et que cette ingérence n’est pas prévue par la loi, ne poursuit pas un but légitime, ou n’est pas nécessaire dans une société démocratique.
Dans son analyse, la CEDH a notamment examiné si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ». Elle a ainsi recherché s’il avait été procédé à une mise en balance adéquate du droit à la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée.
Nécessité d’un juste équilibre entre droit à la liberté d’expression et droit au respect de la vie privée
La CEDH a d’abord constaté que les allégations portaient sur des questions graves d’intérêt public et que le public avait un intérêt légitime à connaitre l’existence des accusations concernant l’homme politique.
En outre, l’homme étant candidat à une charge politique, la CEDH estime qu’il aurait dû anticiper le contrôle du public et que les limites de la critique admissible doivent être plus larges à son encontre qu’à celle d’un particulier.
De plus, elle constate que les articles concernés ont été publiés de bonne foi et dans le respect des normes journalistiques habituelles, notamment grâce aux efforts que le journaliste a fournis pour vérifier la fiabilité des propos et accorder à l’homme politique la possibilité de répondre aux accusations.
Enfin, elle relève que les allégations diffamatoires n’ont pas été formulées par le responsable de la publication mais par deux sœurs ayant un lien familial avec l’homme politique. En effet, les déclarations avaient déjà été publiées sur le site web des deux sœurs et le journaliste n’a fait que les citer. Pour autant que la condamnation du responsable de publication ait pu répondre à l’intérêt légitime de protéger la réputation de l’homme politique, cet intérêt a été largement protégé par la possibilité qui s’offrait à lui d’intenter une action pour diffamation à l’encontre des deux sœurs.
Au regard de ces considérations, la CEDH juge que la Cour suprême islandaise n’a pas ménagé un équilibre raisonnable entre les mesures ayant restreint le droit à la liberté d’expression du responsable de la publication et le but légitime qu’est la protection de la réputation d’autrui. Partant, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Chloé Legris
Lexing e-reputation
(1) CEDH, 16-3-2017, n° 58493/13, Olafsson c. Islande.