Qu’en est-il du droit applicable à la réalité virtuelle ? A défaut d’une réglementation spécifique, le droit positif s’applique. La France ne dispose d’aucun cadre particulier pour réglementer la réalité virtuelle, et s’appuie sur le droit positif en vigueur pour ce faire. Il faut donc raisonner en fonction des composants et des éléments pour saisir les règles applicables.
Droit applicable à la réalité virtuelle en propriété intellectuelle
L’application de réalité virtuelle est protégeable par le droit d’auteur qui couvre les « œuvres de l’esprit » originales sous une forme d’expression, peu important leur genre, leur forme d’expression, leur mérite ou leur destination (CPI, art. L. 112-1).
Une application de réalité virtuelle prise dans sa globalité peut donc être protégée de manière unitaire, sous réserve de remplir le critère impératif d’originalité, qui s’apprécie selon l’empreinte de la personnalité de l’auteur (1).
Cependant, si l’application unitaire existe, l’application distributive reste la règle en matière d’intégration dans une œuvre de divers éléments protégés par le droit d’auteur. En effet, une application de réalité virtuelle prise dans son ensemble réunit des composants multiples, et s’apparente ainsi à une œuvre multimédia. Une œuvre multimédia peut être qualifiée d’œuvre complexe, étant une œuvre au sein de laquelle sont incorporées diverses composantes (2). Chaque élément composant cette œuvre se voit appliquer le régime juridique qui lui est propre, non seulement en fonction de sa nature, mais également en fonction de son caractère réel ou virtuel.
La partie virtuelle de l’application étant constituée d’éléments protégeables par le droit d’auteur comme des écrits, des dessins, des graphiques ou encore des compositions musicales, chacun d’eux doit être apprécié selon son régime propre de protection (des œuvres littéraires, musicales, graphiques, audiovisuelles, des logiciels ou des bases de données). Ces éléments du virtuel ont vocation à fusionner avec le réel, par le biais de l’immersion ou de l’interaction, ce qui peut équivaloir à une reproduction ou à une représentation de l’œuvre issue du monde réel dans l’application.
Dès lors, l’éditeur de l’application de réalité virtuelle doit non seulement bénéficier d’une cession des droits attachés à chaque élément qui lui est intégré, mais également obtenir des auteurs ou ayant-droit les droits lui permettant de reproduire et de diffuser leurs œuvres.
Droit applicable à la réalité virtuelle et droit à l’image
Si aucun texte ne protège explicitement le droit à l’image, la jurisprudence a greffé sa protection à celle du droit au respect de la vie privée, dont dispose l’article 9 du Code civil. Une application de réalité virtuelle, si elle met en scène l’image de certaines personnes, doit donc avoir obtenu au préalable leur consentement.
L’atteinte au droit à l’image peut faire l’objet de sanctions civiles comme pénales. La victime d’une telle atteinte peut ainsi demander l’attribution de dommages- intérêts, mais également se constituer partie civile au pénal. L’auteur encourra alors des peines d’amende et d’emprisonnement (CP, art. 226-1 et s.).
Droit applicable à la réalité virtuelle dans les autres domaines
Une application de réalité virtuelle fonctionne à partir d’un logiciel, dont les règles de protection spéciale s’appliquent. De même, une telle application repose généralement sur une base de données, qui peut être protégée par le droit d’auteur ou par la protection sui generis des producteurs.
Enfin, si l’application de réalité virtuelle géolocalise ses utilisateurs, ou récolte des données à caractère personnel, ses créateurs devront veiller à respecter la vie privée de ces derniers, ainsi que les dispositions de la loi Informatique et Libertés (3).
Droit applicable à la réalité virtuelle : les travaux européens
Pour le moment, aucun projet de loi ou de réglementation de la réalité virtuelle au niveau européen n’est envisagé. Cependant, l’Union européenne s’intéresse de près à cette technologie, qui fait partie des pans de recherche du projet Horizon 2020, le programme européen de financement de l’innovation et de la recherche.
De même, l’Europe s’est fixée l’objectif de mettre en place un marché unique numérique, en faisant tomber les barrières réglementaires nationales pour tirer pleinement parti de ces nouvelles technologies numériques. La mise en place d’un tel marché unique favoriserait à n’en point douter le développement de la réalité virtuelle, et la mise en place d’une réglementation spécifique dédiée.
Marie Soulez
Lexing Propriété Intellectuelle contentieux
(1) CA Paris, 1-4-1957, D. 1957, p. 436.
(2) Cass. Civ. 1ère, 25-6-2009, n° 07-20387.
(3) Loi 78-17 du 6-1-1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (modifiée).