L’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle relatif à la transmission du droit de suite sur les œuvres d’art est-il conforme au principe constitutionnel d’égalité devant la loi ?
C’est la question prioritaire de constitutionnalité posée par la fondation Hans Hartung et Anna Eva Bergman dont a été saisi le Conseil constitutionnel par la première chambre de la Cour de cassation le 11 juillet 2012.
L’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « après le décès de l’auteur, le droit de suite mentionné à l’article L 122-8 subsiste au profit de ses héritiers et, pour l’usufruit prévu à l’article L 123-6, de son conjoint, à l’exclusion de tous légataires et ayants cause, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes ».
La requérante soutient qu’en excluant du bénéfice du droit de suite les légataires et ayants-cause, l’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle est contraire à la Constitution en ce qu’il crée une différence de traitement qui n’est ni justifiée par une différence de situation, ni justifiée par un motif d’intérêt général.
La fondation Hans Hartung et Anna Eva Bergman rappelle que la loi du 20 mai 1920 avait instauré le droit de suite au bénéfice de tous les héritiers sans distinction, précisant que ce droit avait pour objet d’apporter un complément de rémunération aux héritiers pour les aider à subsister. Elle soutient que la loi du 11 mars 1957 de laquelle est issu l’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle, sans modifier l’objectif alimentaire du droit de suite, en a exclu les légataires créant ainsi une différence de traitement non justifiée et non conforme au principe d’égalité devant la loi. Ces arguments n’ont pas convaincu le Conseil constitutionnel.
Dans sa décision n° 2012-276 du 28 septembre 2012, le Conseil constitutionnel a rappelé « qu’en instituant le droit de suite, le législateur a entendu permettre aux auteurs d’œuvres graphiques et plastiques originales de bénéficier de la valorisation de leurs œuvres après la première cession de celles-ci ».
Après avoir rappelé que « ce droit est défini par l’article L 122-8 du code de la propriété intellectuelle comme « un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art », le Conseil constitutionnel a précisé qu’en « prévoyant le caractère inaliénable de ce droit et en assurant sa transmission aux héritiers de l’auteur, les dispositions contestées ont pour objet de conforter cette protection et de l’étendre à la famille de l’artiste après son décès ».
Ainsi, l’exclusion des légataires au bénéfice du droit de suite est justifiée par une différence de situation entre ces derniers et les héritiers ab intestat. C’est en effet selon le Conseil constitutionnel la protection de la famille qui justifie l’exclusion des légataires du bénéfice du droit de suite.
Rappelons enfin que le 15 avril 2010 la Cour de justice européenne des droits de l’homme dans une affaire opposant la France à la fondation Gala-Salvador Dali avait également jugé l’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle conforme à la directive 2001/84 CE du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale. Dans cet arrêt du 15 avril 2010, la Cour avait considéré que les « Etats membres peuvent faire leur propre choix législatif pour déterminer les catégories de personnes susceptibles de bénéficier du droit de suite après le décès de l’auteur d’une œuvre d’art ».