La commission de l’Assemblée nationale sur le numérique a rendu son rapport d’information le 8 octobre 2015 (1).
Le rapport est divisé en cinq points clés qui recoupent les principales problématiques liées au numérique :
- renforcer le droit à l’information à l’ère du numérique ;
- défendre la liberté d’expression à l’ère du numérique ;
- repenser la protection de la vie privée et des données à caractère personnel ;
- définir de nouvelles garanties indispensables à l’exercice des libertés à l’ère du numérique ;
- dessiner une nouvelle frontière entre propriété et communs numériques.
Parmi les propositions listées dans le rapport, la commission prône un renforcement du droit à l’information par la création d’un droit à la libre communication et à la réutilisation des données publiques. Plus généralement, le groupe de travail souhaiterait que la culture de l’open data soit généralisée. L’une des recommandations invite ainsi à inscrire dans la loi un principe de libre réutilisation des données publiques grâce à l’utilisation de bases de données et de licences libres.
Le deuxième point abordé par la commission traite de la « défense de la liberté d’expression à l’ère du numérique ». Le régime juridique de la liberté d’expression sur internet a été pour l’essentiel fixé par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). La loi prévoit un système de responsabilité allégée pour les hébergeurs, une catégorie d’acteur qui ne peut matériellement assurer une surveillance de tous les contenus publiés. Ce régime doit être combiné avec l’application de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1981. Ce système issu de la loi sur la presse permet d’instaurer un équilibre entre lutte contre les contenus illicites et respect de la liberté d’expression. Toutefois, la commission estime que les défis posés par la lutte contre les contenus illicites sur internet ne doivent pas conduire à une régression progressive de la liberté d’expression. La commission appelle notamment à préserver le principe de l’anonymat sur internet. Elle estime en effet, que la LCEN offre des possibilités suffisantes pour rechercher les auteurs de contenus illicites grâce au recours à l’autorité judiciaire.
La commission préconise de mettre un terme au transfert dans le Code pénal des infractions à la liberté d’expression relevant de la loi sur la presse. En effet, dès le 16 janvier 2015, dans un communiqué de presse, la garde des Sceaux a annoncé sa volonté de sortir les injures et diffamations de la loi du 29 juillet 1881 pour les introduire dans le Code pénal lorsqu’elles sont aggravées par une circonstance liée au racisme, à l’antisémitisme, à l’homophobie. La commission préconise de conserver ces infractions dans la loi sur la presse afin de ne pas vider le texte de sa substance, dans la mesure où ce dernier assure un juste équilibre entre abus et liberté d’expression.
Ce rapport insiste également sur la nécessité de conserver la dichotomie entre éditeur et hébergeur en réaffirmant la responsabilité limitée de l’hébergeur, garante de la liberté d’expression sur internet. La commission s’oppose aux propositions récentes visant à introduire de nouvelles catégories intermédiaires entre l’éditeur et l’hébergeur. Le rapport préconise également d’introduire le principe du contradictoire dans la procédure LCEN de notification des contenus illicites et de créer une base de données des contenus supprimés par les hébergeurs pour plus de transparence.
La commission souhaite par ailleurs renforcer les moyens d’action contre les contenus illicites publiés sur internet, notamment en instaurant un traitement prioritaire par le parquet des plaintes portant sur des contenus particulièrement odieux (en particulier les contenus d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme) et par la mise en place une procédure judiciaire accélérée pour les contenus déjà supprimés et de nouveau publiés. La commission propose de réaffirmer la place du juge comme garant de la liberté d’expression et se prononce en défaveur du blocage des contenus illicites par les autorités administratives indépendantes.
Le rapport préconise en outre, la standardisation et la simplification des dispositifs de signalement des contenus illicites, notamment par l’utilisation de la plateforme de signalement Pharos.
S’agissant du respect de la vie privée, la commission encourage l’augmentation des sanctions pécuniaires applicables en cas de violation de données à caractère personnel et souhaite que soient mis en œuvre tous les principes énoncé dans le futur règlement européen sur les données personnelles (« guichet unique », coopération européenne, etc.). Une partie du rapport est consacré au respect du consentement des personnes concernées pour le traitement des données les concernant. La commission propose notamment d’imposer une solution alternative si ces personnes ne souhaitent pas que leurs données fassent l’objet d’une collecte ou d’un traitement.
La commission préconise également de consacrer le droit au déréférencement et de créer une action collective destinée à faire cesser les manquements à la législation sur les données personnelles.
La plupart des dispositions ont été intégrées dans les projets de lois actuels, comme le projet de loi pour une République numérique. C’est notamment le cas du libre accès aux données publiques.
Virginie Bensoussan-Brulé
Caroline Gilles
Lexing Droit Vie privée et Presse numérique
(1) AN, Rapport du 8-10-2015.