Une proposition de loi sur les drones civils aériens relative à l’encadrement des drones civils a été déposée au Sénat le 25 mars 2016. La proposition de loi a été adoptée en première lecture au Sénat le 17 mai 2016 et transmise à l’Assemblée nationale pour première lecture le même jour.
Présentée par les sénateurs Xavier Pintat et Jacques Gautier, la proposition de loi sur les drones civils aériens vise à permettre une responsabilisation des usagers de drones et à prévenir les usages indésirables.
En effet, le déploiement massif des drones civils aériens a engendré récemment plusieurs incidents de sécurité. Le 19 février 2016, un drone volant à haute altitude a frôlé un Airbus A320. Aperçu selon le copilote à seulement 5 mètres de l’appareil est parvenu de justesse à éviter la collision (2).
Au cours des années 2014 et 2015, une vingtaine de sites sensibles français, abritant des activités nucléaires et la base militaire de l’Ile-Longue, ont été survolés illégalement par des drones. Pour répondre à ce phénomène nouveau et en l’absence de normes internationales ou européennes, la France a mis en place une réglementation pionnière en 2012. Cette réglementation a été révisée par deux arrêtés du 17 décembre 2015 (3).
Jugé encore insuffisant, les sénateurs Pintat et Gautier propose de renforcer le dispositif légal par leur proposition de loi sur les drones civils aériens. Cette proposition de loi est d’ailleurs inspirée des conclusions du rapport n° 446 du sénateur Pintat et de la loi n°2015-588 du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.
La proposition de loi sur les drones civils aériens met en œuvre une triple approche : une approche préventive basée sur la formation et l’information du télépilote sans toutefois viser expressément le décryptage des règles d’usage de l’espace aérien relativement complexe pour un néophyte, une approche basée sur le signalement du drone et une approche purement répressive.
Approche préventive de formation et d’information des télépilotes.
Les utilisateurs de drones de loisir ignorent généralement les risques inhérents à l’usage d’un drone et surtout les règles d’utilisation de l’espace aérien.
Afin de résoudre cette difficulté, la proposition prévoit d’imposer une formation aux télépilotes de drones de loisir, au-delà d’un certain seuil de masse. La proposition de loi précise à cet effet qu’un télépilote est « la personne qui a l’usage, le contrôle et la direction de l’aéronef circulant sans personne à bord [le drone] » Cette formation pourrait, par exemple, consister en un tutoriel sur internet.
La proposition de loi sur les drones civils aériens crée également une obligation d’information de l’utilisateur, à la charge des fabricants de drones. Les fabricants auront l’obligation de munir leurs drones d’une notice relative à l’usage de loisir des drones rappelant les principes et les règles à respecter.
Le contenu de cette notice n’est pas sans rappeler les dix principes relatifs à l’usage d’un drone de loisir déjà publiés par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC).
Si elles ont le mérite d’exister, les annexes à l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien ne sont pas aisément accessibles à l’aéromodéliste s’il ne dispose pas des connaissances suffisantes pour en comprendre toute la portée. L’objectif affiché de cette proposition de loi, s’il été adopté définitivement, qui est de responsabiliser les utilisateurs de drones de loisir en imposant une formation, ne pourra être atteint que si la formation permet de vulgariser et sensibiliser l’utilisateur aux aspects les plus complexes du cadre légal relatif à l’utilisation de l’espace aérien, qui énonce en effet des principes assorties de très nombreuses exceptions.
Pour réduire efficacement les risques de collision avec les avions de ligne ou les avions militaires, la formation dispensée devra rendre accessible et décrypter pour un utilisateur de drone de loisir non averti, les structures d’espace aérien, les interdictions de survol (y compris les interdictions de survol à basse altitude), ainsi que les restrictions de survol.
A titre d’exemple uniquement, afin de pouvoir être en mesure d’identifier les portions d’espace aériens qui sont des zones de manœuvres et d’entraînement militaires ou des secteurs d’entrainement très basse altitude à vue ou des itinéraires très basse altitude à vue, encore faut-il que le télépilote d’un aéromodèle soit en mesure de comprendre et de déterminer sur le terrain les limites géographiques latérales et verticales des zones de manœuvre et d’entraînement militaires, telles qu’indiquées dans le manuel d’information aéronautique militaire (MIAM). Or, il suffit d’avoir téléchargé sur le site de la DIRCAM l’une des cartes relative à ces zones pour comprendre qu’elles ne sont pas accessibles au télépilote qui n’a pas été préalablement formé à leur lecture.
Pour réduire drastiquement les risques et assurer la sécurité, des solutions techniques existent. Ces solutions techniques qui consistent dans la géolocalisation en temps réel du drone dans son environnement et dans la création de zone « No-Fly Zones » et « Restricted Zone » comme le prévoit l’EASA dans son Opinion Technique du 18 décembre 2015.
Approche basée sur l’enregistrement et les dispositifs de signalement des drones.
Le survol récent de zones sensibles par des drones a permis de faire apparaître la difficulté de l’identification et de la distinction rapides entre les drones malveillants et les drones non réellement menaçants.
Afin de prévenir tout risque, la proposition de loi prévoit de rendre obligatoire au 1er janvier 2018 un signalement électronique et lumineux des drones et renvoie à des décrets d’application le soin de fixer tant les seuils de masse que les exigences d’enregistrement des drones civils aériens.
Adoptant une logique similaire, les États-Unis ont rendu obligatoire l’enregistrement de tous les drones de masse supérieure à 250 grammes, soit, au final, l’ensemble des drones capables de voler en extérieur.
Approche répressive de l’usage illicite ou malveillant de drones.
Les sénateurs ont cherché à établir des sanctions suffisantes pour dissuader les usagers non réellement malveillants de réaliser des survols illicites, afin de pouvoir faciliter l’identification des événements susceptibles de constituer une menace réelle.
La proposition de loi sur les drones civils aériens prévoit plusieurs infractions pénales.
D’une part, le télépilote encourt la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence et le délit de risques causés à autrui prévu à l’article 223-1 du Code pénal. La proposition prévoit une peine complémentaire de confiscation du drone civil ayant servi à commettre l’infraction.
D’autre part, le télépilote peut se rendre coupable de violation des interdictions de survol de l’article L.6232-2 du Code des transports. Cet article prévoit une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende en cas de survol par maladresse ou négligence. Des peines plus sévères sont prévues en cas de survol volontaire ou de refus de se conformer aux injonctions de l’autorité administrative (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende).
La Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, après examen du rapporteur, Monsieur Cyril Pellevat, a adopté les six amendements qui lui ont été proposés et a procédé à une réécriture intégrale des cinq articles de la proposition de loi n°504 des sénateurs Pintat et Gautier.
La proposition (4), adoptée en première lecture au Sénat, prévoit :
- une nouvelle définition du télépilote : cette définition très prospective prend en compte l’ensemble des configurations, selon que le drone est piloté, qu’il s’agisse d’un drone automatique ou d’un drone autonome programmé par l’intelligence humaine ou artificielle ;
- une obligation d’enregistrement en ligne des drones plus accessible que la procédure d’immatriculation initiale ;
- la généralisation des obligations de formation des télépilotes et de la notice d’information d’usage du drone ;
- des régimes d’exemption pour les drones opérant dans un cadre et des zones identifiés ;
- l’extension de la peine complémentaire de confiscation du drone en cas d’atteinte à la vie privée.
Didier Gazagne
Gabriel de Bousquet
Lexing Droit Aérien
(1) Proposition de loi n° 504 relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils.
(2) Drone et avion – le plus petit n’est pas le moins dangereux !, Interview de Didier Gazagne.
(3) Arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord et Arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent.
(4) Proposition de loi n° 141 relative au renforcement de la sécurité de l’usage civil des drones civils du 17-5-2016.
(*) Carte de la DIRCAM : Zones de manœuvres et d’entraînement militaires, Camps de SUIPPES et de MOURMELON.