e-commerce et médicament – Par décision du 8 août 2014, le tribunal de grande instance de Paris a enjoint une société de cesser d’offrir à la vente à distance des médicaments, dont certains soumis à prescription médicale obligatoire, et ce en particulier faute d’être une officine de pharmacie.
Depuis avril 2014, la société Enova Santé commercialise sur son site internet www.1001pharmacies.com des produits de pharmacie. Parmi ces produits sont offerts à la vente des médicaments, dont certains soumis à prescription médicale obligatoire. La société Enova Santé n’est pas une officine de pharmacie mais une société commerciale qui se présente comme un intermédiaire entre l’internaute qui souhaite acheter en ligne et le pharmacien « partenaire » auprès duquel elle se fournit.
Le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens (CNOP), relevant que cette activité est contraire à la réglementation en vigueur en la matière, a assigné en référé d’heure à heure, la société Enova afin de la voir condamnée à cesser tout commerce électronique de médicaments sur le site internet www.1001pharmacies.com.
La vente de médicaments en ligne réservée aux pharmaciens. S’appuyant sur un constat d’huissier du site litigieux, le juge soulève que la société « offrait à tout internaute le moyen d’acheter des médicaments soumis à prescription obligatoire » et que le site en cause est « un service de l’information permettant d’offrir à la vente à distance au public des médicaments et notamment des médicaments soumis à prescription obligatoire ».
Ainsi, et malgré les prétentions de la société Enova Santé qui soutient ne mettre en œuvre qu’un service de « livraison », le Tribunal de grande instance de Paris constate son « rôle actif dans l’activité de e-commerce de médicaments ». Or, en application de l’article L.5125-33 du Code de la santé publique (CSP), la création et l’exploitation d’un site de commerce électronique de médicaments « sont exclusivement réservées aux pharmaciens ». En l’espèce, il n’est pas contesté que la société Enova n’est pas le site d’un pharmacien inscrit à l’ordre des pharmaciens et qu’aucun de ses responsables n’a cette qualité. Cette activité est donc considérée comme constituant un trouble manifestement illicite.
Le commerce électronique de médicaments limité à certains médicaments. L’article L.5125-34 du CSP limite le commerce électronique de médicaments aux « médicaments qui ne sont pas soumis à prescription obligatoire ». A contrario, les médicaments soumis à prescription obligatoire ne peuvent pas faire l’objet d’une vente en ligne. En outre, afin de pouvoir exercer une activité de vente à distance de médicaments, le pharmacien doit avoir reçu une autorisation de la part de l’Agence Régionale de Santé (ARS) (Art. L.5125-36 du CSP). Ainsi, la vente en ligne de médicaments, y compris de médicaments à prescription médicale obligatoire par la société Enova, non titulaire d’une autorisation de l’ARS, constituent des faits constitutifs d’un trouble manifestement illicite selon les juges.
L’hébergement des données de santé soumis à agrément. L’exploitation d’un site de commerce électronique de médicaments suppose nécessairement la collecte et le traitement de données de santé à caractère personnel des patients, étant précisé que les patients ont, dans ce cadre, un accès direct à leurs données. Or, l’hébergement de ces données est soumis à l’obtention par l’hébergeur d’un agrément spécifique, c’est à dire portant sur des prestations incluant un accès direct du patient à ses données (Art. L.1111-8 du CSP). En l’espèce, la société Enova Santé, qui hébergeait les données des patients, n’est titulaire d’aucun agrément. Le juge des référés, au regard de ces différents manquements a donc ordonné, sous astreinte, à la société Enova Santé de « cesser d’offrir ou de permettre d’offrir » à la vente à distance de médicaments sur le site www.1001.pharmacie.com.
Marguerite Brac de La Perrière
Ronan Saiget
Lexing Droit Santé numérique