La e-signification est-elle une révolution ? Depuis le 1er septembre 2012, la toile a officiellement gagné les huissiers de justice, pourtant connus pour leur attachement au papier. La dématérialisation des actes de procédure et le recours aux nouvelles technologies vient, en effet, de donner naissance à la e-signification ou signification par voie électronique.
Un trésor de modernité, ouvrant la possibilité de recevoir les envois, remises et notifications d’actes de procédure ou encore avis, avertissements et convocations par un simple courrier électronique, au lieu d’en obtenir délivrance en personne par un huissier de justice.
Gare, toutefois, à ceux qui affirmeraient que la toile a irrémédiablement supplanté le papier, car il n’en est rien. L’objectif de la loi du 22 décembre 2010 (Loi n°2010-1609, relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, précisée par le décret n°2012-366 du 15 mars 2012) n’était pas de remplacer un mode de communication par un autre, mais bien de permettre le recours à la signification par voie électronique, aux côtés de la signification papier. L’article 653, modifié, du Code de procédure civile dispose désormais que « la signification est faite sur support papier ou par voie électronique ».
Grâce au miracle de la e-signification, l’huissier ne devra donc plus systématiquement se rendre physiquement chez la personne à qui il doit remettre un acte, mais pourra s’affranchir de cette obligation, sans effort, depuis internet.
Simple d’usage en pratique, la e-signification doit, bien sûr, être assortie d’un certain nombre de garanties, que doivent présenter les procédés utilisés par les huissiers de justice. Ces dernières, définies par un arrêté du Garde des Sceaux du 31 août 2012, répondent aux exigences de l’article 748-6 du Code de procédure civile, disposant que « les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux (…), la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi et celle de la réception par le destinataire ».
Pour l’essentiel, il est prévu par l’arrêté que les significations par voie électronique doivent être « effectuées par l’utilisation d’un procédé de raccordement à un réseau indépendant privé opéré sous la responsabilité de la Chambre nationale des huissiers de justice », dénommé « réseau privé sécurisé huissiers » (RPSH) et à travers une nouvelle plateforme de services de communication numérique sécurisée, intitulée « e-huissier ». L’huissier en charge des envois, remises ou notifications et le destinataire de ces messages doivent ainsi disposer d’un moyen d’identification fiable, tel une authentification classique par login et mot de passe ou un certificat d’authentification.
Sur le plan juridique, cette e-signification est considérée comme une signification faite à personne, dès lors, toutefois, que le destinataire de l’acte en a pris connaissance le jour de sa transmission. En conséquence, la signification doit faire l’objet d’un avis électronique de réception indiquant la date et l’heure de celle-ci. En parallèle, les originaux des actes doivent mentionner les dates et heures de l’avis de réception ainsi émis par le destinataire. A défaut d’une telle réception le jour même (si l’intéressé prend connaissance de la signification postérieurement ou n’en prend tout simplement pas connaissance), la signification doit être faite à domicile, l’huissier devant alors aviser l’intéressé de l’acte, par lettre simple, le premier jour ouvrable suivant la signification électronique, mentionnant la transmission intervenue plus tôt par courrier électronique.
Ainsi décrite, la e-signification a tout l’air d’une révolution, marquant une nouvelle avancée dans le passage délicat des professions judiciaires à l’ère du numérique. Cependant, le choix de préférer la toile au papier n’appartient pas aux huissiers. Ce sont, à l’inverse, les justiciables qui doivent consentir au préalable à cette signification par voie électronique. Pour ce faire, les intéressés doivent adresser par voie électronique une déclaration à la Chambre nationale des huissiers de justice pour exprimer leur assentiment, cette déclaration indiquant notamment la durée pour laquelle leur consentement est donné et la nature des actes sur lesquels il porte. Cette formalité s’entend naturellement, afin que l’identité du destinataire soit bien garantie. Dès lors, tant il est vrai que certains font des pieds et des mains pour échapper aux assignations des huissiers, le doute plane sur une coopération effective entre les officiers ministériels et les justiciables, ces derniers tenant alors seuls entre leurs mains l’avenir de la e-signification.
Loi 2010-1609 du 22-12-2010
Décret 2012-366 du 15-3-2012