Economie juridique
Condamnation à double tranchant dans la guerre des tarifs de l’ADSL
Des préjudices invoqués au titre de la publicité trompeuse…
L’opérateur de téléphonieTele2 propose depuis septembre 2006 une offre ADSL comprenant l’accès à internet à haut débit, la téléphonie fixe illimitée vers la France et certains pays et l’accès à plusieurs chaînes de télévision numérique, pour un prix mensuel forfaitaire. Les abonnés dont la ligne est éligible au dégroupage total peuvent bénéficier de cette offre sans supporter le coût de l’abonnement téléphonique auprès de l’opérateur France Télécom. Ce dernier propose une offre comprenant des services comparables, mais Tele2 estime que la communication faite pour promouvoir cette offre en masque certains aspects tarifaires, comme l’obligation de supporter le coût de l’abonnement téléphonique « classique », de manière à rendre le tarif de son offre identique à celui de l’offre de Tele2, alors que celui-ci est nettement plus élevé pour les abonnés dont la ligne est éligible au dégroupage total. Tele2 a donc saisi le tribunal de commerce de Paris pour faire constater le caractère trompeur des publicités de France Télécom, ordonner la cessation de leur diffusion et obtenir la réparation de son préjudice, chiffré à 7.080.000 €.
L’enjeu
Cette décision fait ressortir les enjeux de la justification des demandes de réparation d’une part et de la démonstration de la causalité d’autre part.
Retenus par le jugement, mais en définitive non indemnisés…
Le tribunal constate en effet que les publicités de France Télécom fournissent une information incomplète, de nature à créer la confusion dans l’esprit du consommateur et à l’induire en erreur sur le prix réel de l’offre. Il considère que ces publicités sont intentionnellement trompeuses et ordonne la cessation de leur diffusion (1). La décision examine alors les demandes de réparation de Tele2 qui invoque un préjudice d’image (perte de l’image de compétitivité de ses tarifs dans l’esprit du public), et un préjudice commercial (perte de 4.000 clients). Le préjudice d’image de Tele2 n’est pas retenu car la campagne en cause ne visait pas nommément son offre, alors qu’il est valorisé à partir d’éléments sans lien avec le préjudice invoqué (une partie du montant des investissements publicitaires engagés par France Télécom). La décision estime qu’un quart des résiliations invoquées par Tele2 (dont le nombre total est justifié par une étude interne) est lié à la publicité trompeuse et, sur la base du coût de la perte d’un client évalué par Tele2, fixe son préjudice à la somme de 400.000 €. Cependant, France Télécom a formulé des demandes reconventionnelles à l’encontre de Tele2, estimant qu’une publicité comparative de Tele2 relative à la même offre ADSL est également trompeuse. Le tribunal considère que deux caractéristiques essentielles de l’offre de Tele2 ne sont pas mentionnées clairement dans cette publicité, dont le caractère trompeur est alors retenu. France Télécom invoque un préjudice d’un montant identique à celui de Tele2, soit 7.080.000 €. La décision retient le caractère dénigrant de la publicité à l’égard de celle-ci et, tout en soulignant qu’elle ne produit aucun élément justifiant l’étendue de son préjudice, fixe celui-ci à la somme de 400.000 €. Ainsi, par le jeu de la compensation des deux condamnations, ordonnée par le jugement, aucune des parties n’obtient d’indemnisation.
Les conseils
En l’espèce, même si Tele2 avait fourni un effort de justification notable (sondage, étude des résiliations, valorisation de la clientèle), elle obtient une réparation modérée pour ne pas avoir convaincu sur le lien de causalité entre la publicité trompeuse et les dommages invoqués. Son adversaire peut se satisfaire de cette décision car, il aurait pu obtenir une indemnisation symbolique pour n’avoir aucunement justifié le montant de sa demande.
(1) TC Paris 16 mai 2007, Tele2 France c. France Télécom
Paru dans la JTIT n°66-67/2007 p.8