Economie juridique
Les conséquences de la résolution d’un contrat informatique aux torts partagés
Client et fournisseur ont manqué à leurs obligations contractuelles…
Une société conclut avec un éditeur de progiciel un contrat de vente de matériels informatiques avec droits d’utilisation de logiciels. Le système fourni doit gérer l’ensemble des activités du client, ce qui implique d’adapter le progiciel en réalisant des développements spécifiques. Après réception de l’ensemble des modules du système, le client se plaint de dysfonctionnements et de la non conformité du système et résilie le contrat, tout en suspendant le paiement des dernières factures émises par l’éditeur. Le juge des référés du Tribunal de commerce de Lyon, saisi par le fournisseur, ordonne une expertise. L’Expert considère que le système n’est pas conforme au cahier des charges. Au terme de la procédure au fond (1), le client obtient le remboursement des sommes versées au fournisseur (232 536 €) ainsi qu’une indemnité réparant 50% de ses préjudices (109 931 €). La Cour d’appel de Lyon (2) réforme le jugement en constatant qu’aucune des deux parties n’a complètement rempli ses engagements contractuels, l’éditeur n’ayant pas fourni un système répondant aux besoins du client, ce dernier n’ayant pas rempli son obligation de collaboration. La responsabilité du client est fixée à un tiers et celle du fournisseur aux deux tiers.
L’enjeu
Alors que les parties ont toutes deux une part de responsabilité importante dans l’échec du projet, le client ne conserve à sa charge qu’une faible partie de ses dommages, et le fournisseur perd la quasi totalité des coûts qu’il a engagé dans le cadre du projet.
Mais seul le client reçoit une indemnité
En conséquence, la Cour constate la résolution du contrat, ordonne au fournisseur de restituer les sommes versées par le client (221 056 €), avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, contre restitution des matériels et logiciels par le client. Elle écarte naturellement la demande de paiement du solde des factures formulée par le fournisseur (249 632 €). Malgré la résolution, l’arrêt fait application de la clause limitative de responsabilité contractuelle, qui exclut la réparation des préjudices commerciaux du client (124 411 €). Celui-ci obtient la réparation de ses frais de personnel et de câblage engagés dans le cadre du projet, soit une somme de 43 766 €, ramenée à 29 133 € en vertu du partage de responsabilité retenu (1/3). Alors que la résolution est destinée à replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient avant sa signature, le fournisseur obtient une indemnisation au titre de la marge qu’il aurait pu réaliser sur le contrat de maintenance qui devait être signé à l’issue de l’intégration, soit 38.880 €, ramenés à 12 960 € compte tenu du partage de responsabilité (2/3). Sa seconde demande de réparation, formulée au titre de la résistance abusive du client, est écartée. En définitive, le client obtient 221 056 € en restitution de ses paiements et 16 217 € (29 133 € – 12 960 €) à titre de dommages et intérêts, soit une somme totale de 237 273 € que doit lui verser le fournisseur, qui a donc travaillé pendant plusieurs mois, en pure perte, pour l’intégration du système, la réalisation des développements spécifiques et la formation du client.
Les conseils
Il appartient au fournisseur d’envisager toutes les conséquences potentielles de la résolution du contrat pour formuler ses demandes de réparation.
(1) TC Lyon, 11 mai 2004
(2) CA Lyon 3eme ch. Civ., 23 février 2006
Bertrand Thoré
Directeur du Département Economie juridique
bertrand-thore@lexing.law
Paru dans la JTIT n°61/2007 p.8