Economie juridique Typosquatting

Economie juridique

Le typosquatting de nom de domaine à l’origine d’une perte de chance de gain

Le typosquatting, acte de concurrence déloyale et parasitaire

Les sociétés Pneus-Online Suisse et Pneus-Online SARL (France) exploitent un site internet de vente de pneumatiques, destiné notamment à la clientèle française. Elles ont constaté, au cours de l’année 2002, que leur concurrent allemand exploitait un site internet, accessible depuis la France et rédigé en français, à partir de trois noms de domaine très similaires au leur, ne s’en différenciant que par quelques caractères distincts. Saisi par les victimes de ces actes de typosquatting, le Tribunal de commerce de Lyon s’est déclaré compétent et a qualifié l’enregistrement de ces noms de domaine d’actes de concurrence déloyale et parasitaire, mais a débouté les sociétés Pneus-Online de leur demande de dommages et intérêts (1). La Cour d’appel de Lyon a également rejeté l’exception d’incompétence soulevée, dès lors que les sites litigieux étaient accessibles depuis la France et visaient notamment une clientèle française, ce qui suffit à établir que le fait dommageable s’est produit en France, notamment dans le ressort du Tribunal. L’arrêt confirme également le caractère déloyal des actes litigieux en soulignant que la société allemande ne pouvait ignorer le risque de confusion généré (2). Les sociétés Pneus-Online demandaient à la Cour de leur accorder 900.000 € de dommages et intérêts au titre de la marge non réalisée pendant la durée des actes litigieux (2002 à 2005), chiffrée en estimant le chiffre d’affaires qu’elles auraient dû réaliser en l’absence d’actes de concurrence déloyale, sur la base du taux de croissance enregistré par leur concurrent pendant la période.

L’enjeu

    Pour un site de commerce électronique, la protection du nom de domaine représente un enjeu financier majeur.

A ralenti la croissance du chiffre d’affaires des victimes

Après l’ordonnance de clôture, la Cour avait réouvert les débats pour permettre aux parties de débattre de l’évaluation du préjudice et notamment de la qualification de la perte de chiffre d’affaires invoquée, afin de déterminer s’il s’agissait d’une perte effective de chiffre d’affaires supplémentaire ou d’une perte de chance de réaliser un chiffre d’affaires supplémentaire. Le risque de confusion généré par les actes de typosquatting n’était pas de nature à faire perdre des commandes ou à détourner une clientèle acquise aux appelantes, mais seulement, comme le soutenaient les appelantes, à détourner une clientèle potentielle qu’elles auraient pu conquérir sur ce marché émergent pendant la période des actes litigieux. Leur chiffre d’affaires avait d’ailleurs enregistré une progression constante pendant cette période. Le gain non réalisé était donc par nature indéterminé et son montant discutable, car soumis à plusieurs aléas, tels que l’évolution de la situation concurrentielle sur le marché et des performances respectives des concurrents. La perte de chiffre d’affaires invoquée devait donc être qualifiée de perte de chance de gain, ce que retient l’arrêt. L’indemnité réparant la perte de chance de gain doit être appréciée selon la probabilité de réalisation des gains attendus (3). La Cour l’estime en considérant le taux de croissance du chiffre d’affaires respectif des parties, l’expérience plus importante de l’auteur des actes sur le marché et la présence d’autres concurrents sur celui-ci, pour évaluer la perte de marge subie à la somme de 300.000 €, soit un tiers de la demande formulée.

Les conseils

    Pour être indemnisé d’une croissance de chiffre d’affaires non réalisée, dont le montant est par nature incertain, il est nécessaire de réunir le maximum d’éléments permettant de justifier des gains espérés : business plans détaillés, plans marketing, études du marché et de la concurrence, résultats financiers des principaux opérateurs et analyse de l’évolution du marché depuis avant les faits jusqu’au jugement.

(1) TC Lyon, 16 novembre 2005
(2) Cour d’appel de Lyon, 31 janvier 2008, Pneus-Online suisse et Pneus-Online SARL c. Delticom AG
(3) Cass. com. 6 mai 2003 ou Cass. civ. 15 janvier 2002


Paru dans la JTIT n°77/2008 p.11

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