L’économie numérique est caractérisée par quatre éléments principaux à savoir la non-localisation des activités, le rôle central des plateformes, l’importance des effets de réseau et l’exploitation des données.
Ces quatre éléments distinguent l’économie numérique de l’économie traditionnelle, en particulier par la modification des chaines de création de valeur qu’ils induisent.
Ces spécificités sont à l’origine des difficultés à appliquer le cadre fiscal actuel à l’économie numérique et la question d’une fiscalité spécifique aux caractéristiques de celle-ci. La France a été particulièrement active en ce domaine avec notamment le rapport de Pierre Collin et Nicolas Colin remis en janvier 2013 et le rapport du Conseil national du Numérique paru en septembre 2013.
Des travaux sont, également, en cours au niveau de l’OCDE sur la notion d’établissement stable contenue dans les conventions fiscales internationales et sur l’érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices (BEPS) de même qu’au sein de la Commission européenne avec le rapport des experts sur la fiscalité de l’économie numérique du mois de mai 2014.
Cependant, ces différents rapports n’ont à ce jour débouché sur aucune proposition d’une politique fiscale adaptée aux caractéristiques de l’économie numérique du fait de la complexité du sujet mais aussi par manque d’études sur leurs incidences.
A cet égard, la nouvelle étude publiée le 9 mars 2015 sur « la fiscalité du numérique : quels enseignements tirer des modèles théoriques » par des économistes pour le compte de France Stratégie met en évidence les constatations et propositions suivantes dont les conclusions consultables sur le site www.strategie.gouv.fr sont résumées ci-après :
- les dispositifs actuels de partage des bénéfices entre les différentes localisations des entreprises multinationales, fondées sur les prix de transfert et la localisation territoriale des activités sont obsolètes pour les entreprises du numérique dans la mesure où, notamment, l’utilisation des données personnelles n’est pas soumise à des transactions financières ;
- de nouveaux outils fiscaux spécifiques pourraient être envisagés, au niveau européen ou d’un noyau de pays, dans l’attente d’une refonte du cadre fiscal international ;
- une telle fiscalité qui reposerait sur une taxe ad valorem des revenus publicitaires ou de la collecte de données personnelles, plus facilement rattachable à un territoire, ne serait cependant pas sans incidence ;
- en conséquence, il conviendrait de limiter les effets distorsifs que cette taxe pourrait engendrer (collecte plus intensive de données, instauration de services payants, exclusion d’une partie des utilisateurs, frein à l’innovation) ;
- de ce fait, un taux de taxation assez faible et la mise en place d’un seuil, en deçà duquel l’entreprise ne serait pas taxée, semblent opportuns.
Cependant, si les modèles économiques développés dans cette nouvelle étude sont centrés sur la fiscalité du numérique, il ne manque pas de souligner les interactions entre la fiscalité et la situation concurrentielle, ainsi que la collecte et l’exploitation des données personnelles.
Pierre-Yves Fagot
Lexing Droit Entreprise