Ne peut ester en matière pénale qui veut. Ce précepte va bien au-delà des victimes indirectes d’une infraction qui, faute d’établir un préjudice direct et personnel, seront irrémédiablement écarter de la cause.
La chose est particulièrement vraie pour les collectivités territoriales. Non contentes de devoir prouver d’un préjudice propre, elles ne peuvent agir que si leur exécutif y a été autorisé par une délibération du conseil municipal, général ou régional.
Au gré des oppositions, des rapports de force, des inimitiés qui transcendent le sacrosaint principe de l’intérêt général, la chose peut prendre du temps voire ne pas prendre du tout.
D’aucuns voient en ces conditions restrictives une bride inconcevable au droit de chacun d’obtenir justice. C’est tout du moins l’avis du sénateur Jean-Louis Masson qui a déposé une proposition de loi (1) afin d’autoriser les élus membres du conseil d’une collectivité territoriale à ester en matière pénale au nom de celle-ci et à « ses frais et risques ».
Un contribuable n’a-t-il pas le droit d’exercer les actions qui appartiennent à sa collectivité territoriale ? Les associations reconnues d’utilité publique ne peuvent-elles pas agir au pénal pour défendre l’intérêt de l’objet qu’elles se sont données de protéger ? Pourquoi les représentants du peuple, les élus de la République, ne pourraient-ils pas se substituer aux carences de la collectivité territoriale dans son intérêt ? C’est, en substance, le raisonnement qui sous-tend cette proposition de loi.
En soi la chose n’est pas absurde, bien au contraire, mais est-elle bien conforme à la lettre de la procédure pénale. Selon quel fondement un élu d’une collectivité territoriale peut-il représenter l’ensemble de cette collectivité ? Ne représente-t-il pas qu’un tantième du corps électoral, comme cela est spécifié dans le contrat social qui le lie à ses électeurs ?
Si, d’aventure on considérait qu’il est en droit de représenter l’ensemble de la collectivité pourquoi, alors, devrait-il agir à ses « risques et périls » en lieu et place de ceux de l’intérêt général. Il ne faudrait pas que pour palier l’incurie des collectivités territoriales soient dénaturées les bases mêmes qui fondent l’accès à la justice.
Virginie Bensoussan-Brulé
Julien Kahn
Lexing Droit Pénal numérique