Par jugement du 23 novembre 2010, le Tribunal de grande instance de Paris a prononcé l’annulation des marques verbales et semi-figuratives composées des mots « couplé », « trio », « quarté+ », « quinté + », « 2 sur 4 », « Multi » et « simple » pour la totalité de leurs produits et services, en raison de leur caractère frauduleux. Ces marques avaient été déposées par le Groupement d’intérêt économique Pari Mutuel Urbain, plus communément connu sous le nom PMU, à une époque où il bénéficiait d’un monopole sur les paris relatifs aux courses hippiques mais pour la plupart d’entre elles bien après les dates des arrêtés ministériels autorisant le PMU à exploiter les paris « couplé », « trio », « quarté + », « quinté + », « 2 sur 4 » et « multi ».
Cette situation de monopole a pris partiellement fin avec l’entrée en vigueur de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
Ayant relevé que les sociétés Unibet International Limited et Global Entertainment avaient utilisé les termes « « couplé », « trio », « quarté+ », « quinté + », « 2 sur 4 », « Multi » et « simple » sur plusieurs sites web proposant des jeux de hasard en ligne, ainsi que des paris sportifs relatifs notamment à des courses hippiques ayant lieu en France, le PM les a assignées en contrefaçon de ses marques et concurrence déloyale. En réponse, ces dernières ont formé une demande reconventionnelle en nullité des marques opposées par le PMU.
Acquiesçant à leur argumentation, le tribunal a considéré qu’en déposant les marques précitées à une époque où il connaissait l’ouverture à la concurrence de l’activité des paris sportifs en ligne, le PMU avait en réalité « tenté de s’assurer un monopole empêchant tout concurrent potentiel d’utiliser ce type de dénomination pour exploiter le pari correspondant » et « avait pour objectif de gêner tout éventuel concurrent par un obstacle juridique illégitime et a ainsi détourné le droit des marques de sa finalité ».
Or, en droit, une telle finalité constitue un détournement du droit d’occupation qu’est le droit des marques et partant, un motif d’annulation sur le fondement de la fraude, en application de l’adage selon lequel « la fraude corrompt tout » et de l’article L714-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Autrement dit et selon les terme du tribunal, « la fraude peut être caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, c’est-à-dire non pas pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais pour vouloir priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d’un même secteur, d’un signe nécessaire à leur activité ».
Il ressort donc de cette décision qu’une situation monopolistique n’emporte pas de facto la validité des marques déposées par le bénéficiaire de ce monopole.