L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a rendu un rapport sur les blockchains.
Dans son rapport sur les enjeux technologiques des blockchains, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) revient notamment sur les enjeux juridiques (1).
Multitude d’enjeux juridiques de la blockchain
Comme le souligne le rapport, « les enjeux juridiques de la blockchain sont considérables ». Ces enjeux concernent notamment :
- les activités frauduleuses ;
- l’insertion de données illégales ;
- la fiscalité ;
- le régime de responsabilité.
Les activités frauduleuses et l’insertion de données illégales dans les blockchains
Concernant les risques d’utilisation frauduleuse du bitcoin à des fins de financement d’activité illégales (crime organisé, trafic de stupéfiants), les rapporteurs relativisent le poids des cryptomonnaies au regard de l’ensemble des revenus du crime organisé (900 milliards de dollars par an). La transparence totale des échanges et l’indestructibilité de l’historique des transactions permettraient aux pouvoirs publics d’exercer plus facilement une surveillance.
Certaines fonctions, telles que la fonction OP-return, permettent d’insérer des données non-financières dans chaque transaction d’un bloc. Or, le risque d’une telle intégration est que ces données s’avèrent illicites. Par conséquent, chaque possesseur de la blockchain du bitcoin, c’est-à-dire chaque nœud, est potentiellement dans l’illégalité dans de nombreux pays.
La fiscalité et le régime de responsabilité des blockchains
Le rapport revient sur la problématique du « flou » fiscal qui entoure les activités touchant à la blockchain et pose la question du statut des cryptomonnaies. Le 22 octobre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt considérant le bitcoin comme un « moyen de paiement » (2) et exonérant ses échanges de TVA. Toutefois, en France, ce statut est peu clair. Le fisc, les douanes et les autorités financières n’ont pas encore exactement déterminé quelle règlementation appliquer aux cryptomonnaies. Cependant, un arrêt du Conseil d’Etat du 26 avril 2018 a été rendu à ce sujet (3).
La question se pose de savoir sur qui pèse la responsabilité quand un litige survient dans l’utilisation d’une application fonctionnant sur une blockchain publique, si elle pèse sur ceux ayant conçu l’application utilisée ou sur l’ensemble de la communauté des membres. Les experts britanniques du Government Office for Science proposent d’intervenir directement dans le code lui-même et non pas dans la loi. Ainsi, les failles juridiques de la blockchain semblent pouvoir être résolues par des solutions techniques.
Conciliation de la blockchain et du RGPD
Comme l’Observatoire-forum des chaînes de blocs dans son rapport (4), l’OPECST s’interroge sur la compatibilité entre la réglementation des données à caractère personnel et la blockchain. Le RGPD (5) a consacré notamment, d’une part, l’identification d’un responsable du traitement et, d’autre part, le droit à la rectification et le droit à l’oubli. Ces exigences sont contradictoires avec le système de blockchain qui est, d’une part, purement pair à pair et, d’autre part, immuable.
A ce sujet, la position de la Cnil est de seulement considérer les applications qui fonctionnent avec des blockchains pour permettre une meilleure identification du responsable du traitement. Concernant les droits personnels sur les données, la Cnil invite les développeurs d’applications à réfléchir à des systèmes prévoyant le masquage des informations envoyées sur une blockchain publique.
Des solutions techniques sont envisagées pour répondre à ces problématiques. Plusieurs solutions permettent de garantir l’anonymat d’une transaction sur la blockchain telles que la multiplication des adresses (clés publiques) utilisées ou encore l’utilisation de certaines cryptomonnaies entièrement dédiées à l’anonymat des transactions.
Le rapport souligne le fait que peu de solutions techniques parviennent à réunir les deux objectifs qui sont, d’une part, l’anonymat et, d’autre part, le contrôle des utilisations et insertions frauduleuses. Ainsi, les rapporteurs émettent des doutes quant à « l’émergence d’une blockchain publique qui soit respectueuse des exigences du RGPD et soumise au contrôle du régulateur ».
Marie Soulez
Solène Gérardin
Lexing Département Propriété intellectuelle contentieux
(1) Rapport de l’OPESCT : Les enjeux technologiques des blockchains (chaînes de blocs), Doc. Ass. nat. n° 1092, Sénat n° 584 du 20 juin 2018.
(2) CJUE, 22 octobre 2015, n° C‑264/14.
(3) Conseil d’État, 26 avril 2018, Nos 417809, 418030, 418031, 418032, 418033.
(4) Blockchain innovation in Europe, a thematic report prepared by The European Union Blockchain Observatory & Forum, 2018.