Dans un arrêt du 13 avril 2021 (1), la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme l’application de la loi Informatique et libertés aux enregistrements de conseils municipaux.
Le principe de publicité des séances de conseils municipaux
Le principe de publicité des séances de conseils municipaux a conduit le législateur français et la jurisprudence à encadrer les enregistrements et retransmissions (CGCT, art. L. 2121-18).
En application de ce droit, toutes les personnes présentes lors des séances (conseillers municipaux, les membres de l’assistance, etc.), peuvent librement enregistrer les débats des conseils municipaux et les diffuser ensuite, par exemple sur Internet.
Les seules limites sont les pouvoirs de police du Maire et le droit à l’image des participants.
Néanmoins, les Maires de communes ne peuvent d’autorité interdire de tels enregistrements sans démontrer qu’ils sont de nature à troubler le bon ordre des travaux de l’assemblée délibérante (2).
De même, le droit à l’image (création prétorienne issue de l’article 9 du Code civil qui protège la vie privée) ne trouvera à s’appliquer que très limitativement puisque, par nature, les conseils municipaux sont des évènements publics réunissant essentiellement des professionnels.
En revanche, le principe de publicité des séances et le droit d’enregistrement qui en résulte, ne font pas échec à l’application de la réglementation informatique et libertés, comme l’a rappelé très justement la Cour de cassation.
Les enregistrements de conseils municipaux : des traitements de données à caractère personnel
En effet, il ne fait nul doute que les enregistrements, peu importe leur nature (sonores et/ou vidéos), dès lors qu’ils permettent d’identifier directement ou indirectement une personne physique, sont une donnée à caractère personnel et leur publication est constitutive d’un traitement automatisé de données à caractère personnel.
Sur ce point, l’ensemble des juges saisis dans l’affaire susvisée sont d’accord.
La qualification de traitement des enregistrements
Dans le cas d’espèce soumis à la chambre criminelle de la Cour de cassation, une journaliste (partie civile) a formé un pourvoi en cassation sur ses intérêts civils contre le Maire d’une commune qui avait publié sur internet l’enregistrement d’un conseil municipal sur lequel elle apparaissait.
Le respect de la vie privée ne trouvant pas à s’appliquer ici, elle se fondait habilement sur les infractions à la règlementation sur les traitements de données à caractère personnel, à savoir l’absence de formalité préalable, la collecte frauduleuse, déloyale et illicite de données, et enfin le détournement de finalité (Code Pénal, articles 226-16, 226-18 et 226-21).
Les juges du fond l’avaient déboutée. Ils ont estimé que les enregistrements avaient été effectués « dans un lieu public dans lequel la partie civile avait suivi un évènement d’actualité à titre professionnel ».
La Haute juridiction a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel. Ils ont considéré que celle-ci n’avait pas justifié sa décision et qu’il lui appartenait :
- tout d’abord, de s’assurer que le Maire était bien le responsable du traitement, de déterminer le régime qui était applicable, et de rechercher les finalités poursuivies ;
- ensuite, de s’assurer que la collecte des données était loyale et licite.
En conclusion
Cet arrêt ne révolutionne pas le paysage juridique en matière de protection des données à caractère personnel. Il a cependant le mérite de rappeler deux points essentiels :
- il n’est pas fait exception à l’application de la réglementation en matière de protection des données devant le juge pénal, et
- tout manquement peut être sanctionné par des dommages et intérêts s’il a causé un dommage aux personnes concernées.
Les communes qui procèdent à de tels enregistrements, doivent donc être particulièrement vigilantes quant au respect des obligations qui sont les leurs dans ce cadre.
Anne Renard
Marion Moine
Lexing Conformité et Certification
(1) Cass. crim., 13 avril 2021, Pourvoi n° 19-87480.
(2) CAA Bordeaux, 24 juin 2003, n° 99BX01857.