Sauf exceptions, les photographies de personnes ne peut être exploitée qu’avec son autorisation. Un accord relatif aux conditions de cette autorisation a été qualifié de contrat de travail.
Une exception classique : défaut d’identification possible de la personne – Une entreprise a été poursuivie par un mannequin pour avoir reproduit son image sur l’emballage de morceaux de sucre de sa fabrication et sur son site internet, sans avoir requis son autorisation préalable. La jeune femme a été déboutée de ses demandes par le tribunal initialement saisi, puis par la Cour d’appel qui l’a condamnée à verser une indemnité de 5 000 euros à l’annonceur au titre de l’article 700 du code de procédure civile (1).
L’atteinte invoquée au droit à l’image a été écartée, au motif que le mannequin n’est pas représenté de manière identifiable par le public, ce qui s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence fondée sur une forme de bon sens unanimement admis, en tous cas jusqu’au pourvoi en cassation formé par le mannequin à l’encontre de l’arrêt prononcé à son encontre par la Cour d’appel de Paris.
Le mannequin a en effet soutenu que l’impossibilité pour le public de l’identifier ne dispensait pas l’entreprise de l’obligation qui lui incombe de solliciter son autorisation avant toute exploitation de photographies reproduisant son image. Elle a invoqué à cette fin sa qualité de mannequin et le caractère patrimonial des droits dont elle dispose par conséquent sur son image, qu’ils lui confèrent le droit exclusif d’en tirer profit et d’en contrôler les utilisations. Elle a de surcroît fait valoir qu’elle est identifiable sur la photographie exploitée sur le site internet de l’entreprise, et que cette photographie peut être agrandie et téléchargée.
La Cour de cassation a rejeté en bloc ce pourvoi sur la base d’une motivation qui réaffirme clairement que le droit à l’image est conditionné à la possibilité d’identification de la personne dont l’image est reproduite sans son consentement : « La Cour d’appel, après avoir relevé , outre la taille de deux millimètres sur deux du visage litigieux sur une vignette occupant la plus grande face d’un morceau de sucre ,la mauvaise définition générale du support, a estimé que la personne représentée était insusceptible d’identification, qu’à partir de ces constations et appréciations souveraines, elle a pu estimer qu’aucune atteinte à l’image n’était constituée (…) » (2).
Une qualification surprenante pour une autorisation d’exploitation de l’image d’un artiste – Une entreprise s’est vue signifier un redressement URSSAF sur le montant dont elle s’est acquittée auprès d’un artiste en contrepartie de l’autorisation de reproduction de son nom et son image sur ses paquets de café, pour annoncer un jeu intitulé : « Gagnez la Harlay Davidson de Johnny H ». Ce montant a reçu la qualification de salaire, et le contrat en vertu duquel il a été versé a reçu celle de contrat de travail, bien que l’artiste n’ait effectué aucune prestation pour le compte de l’annonceur.
Les photographies utilisées n’ont pas été réalisées pour les besoins de cette promotion ; elles préexistaient à l’annonce du jeu précité puisqu’elles avaient servis à illustrer la pochette de son dernier album qui avait été lancé bien avant cette opération promotionnelle. L’artiste n’a pas participé à la moindre séance de prises de vues et s’est limité à remettre une photographie le représentant à l’entreprise et à l’autoriser à l’exploiter dans des conditions strictement déterminées.
L’entreprise s’est engagée depuis 2003 dans un combat judiciaire qui comptabilise aujourd’hui plusieurs décisions contradictoires, dont deux arrêts de la cour de Cassation qui font droit à la thèse de l’Urssaf, contre trois décisions de juridictions de fond qui écartent au contraire cette thèse et la qualification de contrat de travail qui lui est associée. Le dernier arrêt prononcé dans cette affaire par la Cour d’appel de Caen (3) rompt avec cette résistance, et considère, au terme d’une analyse extrêmement critiquable, que le contrat conclu par l’annonceur avec l’artiste est un contrat de travail, même en l’absence de prestation, dans la mesure où l’article L 7123-2 du Code du travail inclut dans la définition de l’activité de mannequin, la présentation indirecte par reproduction de l’image d’une personne sur tous supports d’un produit ou d’un message publicitaire.
Elle en déduit que la prestation d’un mannequin « n’induit pas la participation active de la personne concernée » et que la société X. ne peut pas valablement soutenir que M.X…n’a effectué aucun travail de présentation au motif qu’il n’a ni posé, ni tourné de film publicitaire alors que cette présentation peut, aux termes même de l’article L 7123-2, être réalisée indirectement par reproduction de l’image sur un support ».
Il serait souhaitable qu’un tel raisonnement ne soit pas repris par d’autres juridictions, dans la mesure où il procède, à notre sens du moins, d’une interprétation erronée des textes relatifs aux mannequins, qui ne sauraient instituer une nouvelle forme de contrat de travail en l’absence de toute prestation et de lien de subordination.
Alain Bensoussan Avocats
(1) CA Paris du 19-1-2011.
(2) Cass. civ. 1 n°11-15328 du 5-4-2012.
(3) CA Caen du 9-9-2011.